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économiques sont la préoccupation dominante du pays : une tendance opposée à l’esprit de notre révolution, au génie de la liberté et de la démocratie, n’étant plus retenue par le frein d’une presse libre, se prononce de jour en jour davantage au sein de ces intérêts ; c’est la tendance a constituer les affaires en gigantesques monopoles, démesurément favorables aux intérêts de quelques particuliers, et aussi contraires au principe de l’égalité qu’au principe de la liberté. Ce n’est plus qu’au sein du corps législatif qu’il est possible d’entreprendre une lutte efficace contre les effrayans envahissemens de l’esprit de monopole dans le domaine de l’industrie et du crédit. Il y a donc dans les fonctions législatives à faire des choses difficiles et laborieuses, mais nécessaires et fécondes. La carrière est dépouillée de la plupart de ses anciennes séductions ; mais elle : conserve, malgré tout, un souverain attrait, puisqu’elle peut seconder la renaissance de la vie libérale dans notre pays.

L’activité qui reparaissait à Paris et dans les départemens parmi les élémens libéraux du corps électoral méritait, à notre avis, d’être encouragée dans les régions où les opinions peuvent encore posséder une force quelconque de centralisation et d’organisation. Nous ne croyons donc point qu’on doive regretter les réunions diverses qui ont eu lieu à Paris dans ces derniers temps, et dont les journaux ont parlé. Il ne nous a point déplu que les hommes distingués que dans des temps reculés nous appelions nos chefs se soient mis à parler entre eux d’élections. Nous sommes même enchantés de revoir encore nos vingt-quatre vieillards si dispos et d’apprendre l’existence de quelques-uns d’entre eux que nous avions crus morts depuis longtemps. Les vieux coursiers se sont sentis ragaillardis en reniflant d’avance l’air et la poussière d’un combat qui leur rappelle leurs anciennes prouesses. O gran bontà dei cavalieri antichi ! Quel exemple pour les jeunes générations auxquelles ces messieurs montrent encore la terre promise, qu’ils n’ont pas su, hélas ! leur conserver ! Sérieusement ces réunions n’ont pas seulement un caractère archaïque ; elles ont une imppr-tance qui a déjà été appréciée dans le corps électoral. Sans doute il convient à ces cénacles d’être modestes et prudens. Ils ne doivent ni ne veulent se constituer en comités généraux d’élections. Leurs principaux membres ne pensent point à s’attribuer une autorité dirigeante. Des généraux qui ont essuyé de si cruelles et si décisives défaites ont peu de goût, on le conçoit sans peine, à demander de nouveaux commandemens. Leur intervention trop active présenterait dépraves inconvéniens. Le rassemblement de leurs noms aurait à l’heure présente l’air d’un anachronisme. Ces noms rappellent malheureusement les divisions du passé, et l’esprit public les prendrait difficilement pour le symbole d’Une union active et féconde. Les hommes éminens qui les portent ont d’ailleurs une tournure d’esprit rétrospective ; une de leurs fautes a été d’introduire dans la politique le tempérament historique ; ils connaissaient si bien le passé, qu’ils avaient une tendance prononcée à vouloir toujours refaire le présent à son image ; puis