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contenue et comprimée, la liberté d’association est absente. Le candidat indépendant ne peut compter que sur la réaction loyale que pourra exciter un jour au sein d’une nation généreuse le spectacle de cette lutte inégale où un simple citoyen, armé de sa seule conviction et de son seul désintéressement, ne craint pas de s’avancer contre une organisation administrative presque irrésistible. Ce jour viendra, nous en sommes sûrs, si quelque incident excite dans le pays une émotion impétueuse, si à l’improviste le suffrage universel, dont la nature est toujours de se porter d’un seul côté, est averti par un pressentiment soudain que l’opposition est destinée au succès ; mais, sans être taxé de se laisser aller aux inspirations énervantes du découragement, on peut prédire que ce jour ne sera pas encore venu quand sera donné le signal des élections prochaines.

Ainsi nous attendons ce signal sans pensées présomptueuses. Nous tenons grand compte des motifs personnels ou généraux qui peuvent écarter de la lutte électorale plusieurs hommes considérables justement respectés par le public éclairé. Nous reconnaissons cependant qu’il est impossible de n’être pas touché des symptômes aussi consolans qu’imprévus de réveil politique que l’approche des élections fait éclater dans le pays. On ne saurait sans manquer à un véritable devoir, accueillir par une attitude dédaigneuse et une systématique inertie ces manifestations salutaires de la conscience libérale de la France partout où elles se produisent spontanément. Il serait peu digne et presque ridicule d’entreprendre une agitation factice et d’avance condamnée à la stérilité ; mais il ne serait pad patriotique de refuser son concours aux honnêtes efforts des électeurs qui, sans se laisser aller plus que nous aux illusions, veulent relever au sein du suffrage universelle drapeau du libéralisme indépendant. Partout où l’aveu d’une candidature peut aider à cette manifestation libérale, il doit être donné avec dévouements. Les chances de succès sont très médiocres. Qu’importe ? On aura fait son devoir en répondant au vœu et à l’effort de ralliement des minorités libérales et indépendantes. Le succès même n’aurait pas une très grande importance, si l’on ne songeait qu’au rôle politique et à l’efficacité de la députation ; mais il aurait une signification sérieuse comme manifestation morale de l’opinion. Si les attributions des députés sont restreintes, la parole du moins est libre au sein du corps législatif, et des débats où les opinions libérales pourraient s’expliquer avec abondance suppléeraient à la liberté de la presse absente et même en accéléreraient le retour. Si le corps législatif ne peut pas grand’chose pour l’action, s’il ne peut exercer une influence directe sur la politique extérieure et prévenir des guerres téméraires et ruineuses, il peut beaucoup pour la critique des fautes commises et des entraînemens dangereux ; il peut beaucoup par conséquent pour l’éducation politique du pays. Grâce au système introduit par le sénatus-consulte du 31 décembre 1861, son autorité et sa responsabilité sont très grandes dans la question des finances ; des députés qui en sauraient tirer parti n’auraient point à jouer un rôle médiocre et inutile. Les intérêts