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des langues modernes au point de vue des découvertes de l’industrie. Certaines locutions qui ont eu dans le temps une raison d’être, comme par exemple courir la poste, ne présentent plus aujourd’hui qu’un sens douteux et suranné. L’ancienne malle-poste rampait, si on la compare à la locomotive, et la locomotive elle-même ne fait que trotter, si on lui oppose le service exécuté déjà par les agens atmosphériques.

En même temps qu’ils recherchent tous les moyens d’augmenter la facilité des communications, les Anglais se montrent préoccupés aussi, depuis quelques mois surtout, d’introduire une sorte d’unité dans leur système de chemin de fer. Ailleurs c’est par là qu’on eût commencé : dans la Grande-Bretagne, c’est presque toujours par là qu’on finit. Un naturaliste d’outre-mer, James Rennie, a écrit un livre pour démontrer que les abeilles jouissaient du self-government. À l’en croire, elles n’agiraient point dans la construction de leurs cellules en vertu d’un plan préconçu ; mais l’initiative personnelle, le libre arbitre de chaque ouvrière, présideraient à leurs opérations. Il est difficile de savoir au juste comment travaillent les abeilles ; mais il est certain que les Anglais suivent cette dernière méthode dans toutes leurs entreprises. Les lignes de chemin de fer ont été jetées d’abord un peu au hasard pour répondre à divers besoins du commerce, de l’industrie ou de l’agriculture. Ces lignes, plus ou moins indépendantes les unes des autres, se sont accrues et multipliées en un demi-siècle au point de former le réseau le plus vaste et le plus compliqué qu’il y ait en Europe ; mais, depuis que la circulation se trouve desservie dans toute la Grande-Bretagne par tant de grands troncs et d’embranchemens, une nouvelle tendance se développe : on voudrait relier entre eux ces organes du mouvement. Pour atteindre ce but, divers plans ont été proposés ; on parle beaucoup d’établir un conseil spécial (board) chargé de réunir les parties existantes ou en voie de construction et d’en former un tout. Quoi qu’il en soit des moyens, il est certain que l’ordre ne tardera point à surgir du sein des élémens si riches qui composent déjà le réseau de fer anglais. Il y a deux manières d’entendre la centralisation : on peut la prendre comme point de départ ; on peut aussi la perdre de vue à l’origine, laisser agir l’initiative et les forces personnelles, satisfaire les intérêts locaux, tout en attendant de la force même des choses le moment où ces diverses entreprises doivent naturellement se rejoindre et s’organiser en un système. C’est cette dernière méthode qu’ont choisie les Anglais, et quand je regarde à ce qu’ils ont fait depuis quelques années, aux échanges de produits qu’a développés dans le royaume-uni la puissance du mouvement par les voies de fer, je ne puis croire qu’ils se soient attachés à une