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toit des maisons ; pour supporter les lignes de rails, il eût fallu d’énormes ouvrages de maçonnerie qui auraient transformé les rues de Londres en une série de sombres et grandes arcades. Ce plan n’a jamais été réalisé, il ne le sera jamais ; mais on peut juger de l’effet qu’il produirait par ce qui se passe déjà dans certains endroits sur la ligne que parcourent les anciens railways. Un tel système, en facilitant d’un côté la circulation, ne lui oppose-t-il point de l’autre de nombreux obstacles ? Il bloque les rues par des piliers, d’obscurs passages et de massifs viaducs. À côté du plan des chemins de fer aériens, rejeté comme impraticable, se développa un autre projet tout contraire. À propos d’un être fabuleux, la mythologie indienne raconte que la nature indécise se demanda un jour s’il devait voler ou plonger ; toutes réflexions faites, elle créa un dragon destiné à voler dans les lieux bas de la terre. C’est l’histoire de la locomotive condamnée par le Metropolitan railway à suivre les rails d’un chemin de fer souterrain, underground railway, qui passe sous les rues au lieu de passer au-dessus des rues de Londres.


II

Il existe une filiation pour les entreprises de l’industrie aussi bien que pour les œuvres de l’art. De même que les connaisseurs rapportent aisément tel édifice, telle statue ou tel tableau à un prototype, ainsi les ingénieurs établissent des liens de famille entre les grands ouvrages d’utilité publique. À ce point de vue, le Metropolitan railway a un ancêtre dans les annales de l’architecture appliquée au génie civil, et cet ancêtre est le Thames tunnel. Quel étranger n’a visité à Londres cette huitième merveille du monde ? Qui ne s’est donné le plaisir de passer sous la Tamise entre Wapping et Rotherhithe ? L’ingénieur Isambard Brunel, que les Français revendiquent à bon droit comme un de leurs compatriotes, mais qu’un long séjour en Angleterre avait identifié au caractère et aux ressources de la nation qu’il se proposait de servir, commença ce tunnel en 1825. L’idée et la méthode des travaux lui furent suggérées par un mollusque, le teredo navalis, dont il avait étudié les mœurs, et que Linné appelait la calamité des mers, calamitas marium. À l’exemple de ce taret, qui s’avance couvert d’une coquille cylindrique et qui dévore sa voie dans l’épaisseur du bois le plus dur, Brunel construisit un énorme bouclier sous lequel certains ouvriers enlevaient la terre, tandis que d’autres doublaient de murs les cavités. On n’ignore point les obstacles et les accidens qui arrêtèrent à plusieurs reprises la marche de ces mineurs. Enfin le 25 mars