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et de la lumière dans des masses impénétrables de maisons, il éclaircira des ruelles et des allées qui ressemblent aux profondeurs malsaines d’une forêt vierge et marécageuse, il forcera quelques propriétaires des rues limitrophes à modifier l’ordonnance des habitations qu’ils louent à la classe ouvrière. J’en juge par ce que me racontait un jour un Anglais possédant une maison sur le parcours du chemin de fer de Blackwall. « Tant que ma bicoque, disait-il, ressemblait, ou peu s’en faut, à celles du voisinage, elle faisait encore assez bonne contenance ; mais du jour où, le chemin de fer ayant été construit, elle se trouva exposée au grand jour, découverte et observée de haut en bas par les wagons qui passaient de moment en moment, elle eut si honte de sa mauvaise mine qu’elle menaça peu à peu de s’écrouler, et que je fus obligé de la démolir pour en élever une autre à la même place. » Au milieu des scènes de bouleversement que présentait tout le tracé de la ligne, continuée du pont de Londres jusqu’à Charing-Cross, se faisait surtout remarquer, il y a deux ou trois mois, un grand théâtre de ruines : je parle du marché de Hungerford (Hungerford market). On eût dit qu’un tremblement de terre avait passé par là, tant l’aspect des lieux était singulier avec des fragmens de murailles déchirées, des caves entr’ouvertes, des débris d’escalier de pierre qui ne conduisaient plus à rien, des piliers renversés et d’anciens sanctuaires de la vie domestique violés par la pioche des démolisseurs. Hungerford market, ouvert en 1833, succédait sur le même emplacement à un autre marché bâti en 1680 par sir Edouard Hungerford. Il se partageait en deux ailes ou galeries latérales occupées par des marchands de poisson, de volaille, de légumes et de fruits. Au centre s’élevait une grande salle où les habitans de Londres, mais surtout les étrangers, se rendaient pour prendre des glaces et du café. Aujourd’hui ce marché n’est plus qu’un souvenir ; le terrain a été presque entièrement déblayé, et aux travaux de nettoyage ont succédé d’énormes travaux de construction. Des arcades de brique s’enfonçant sous des passages caverneux recouverts par de puissantes voûtes marquent déjà l’endroit où s’étendra la tête de la nouvelle gare. À la place de l’ancien marché doit s’élever bientôt un débarcadère auquel on a déjà appliqué l’épithète d’universel, parce qu’on se propose d’y rattacher plus ou moins les autres grandes lignes qui sillonnent déjà ou sillonneront avant peu la ville de Londres. Le Charing-Cross terminus se montrera de la sorte le centre du réseau de fer anglais, de cette vaste toile d’araignée qui communique par d’innombrables fils avec toute la Grande-Bretagne et l’Europe.

Je mentirais sans doute si je disais que ces grands travaux d’utilité