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désormais comme les seuls ou les premiers des biens : c’est que toutes ces choses sont le complément de la puissance de l’humanité, c’est qu’elles sont les conditions de ses progrès et les données de sa perfection. Ce que la renaissance lui a promis, c’est d’assurer, d’agrandir son empire sur la nature, ou le triomphe de l’intelligence et de la volonté, triomphe qui ne s’obtient que par la patience, le courage, la persévérance, c’est-à-dire par des vertus. Le vrai but de la renaissance, le vrai but du génie des temps modernes, c’est donc la dignité de l’homme sur la terre.

Toutes les apologies tardives du moyen âge, tout le dilettantisme des préraphaélites politiques qui n’admirent que la science avant Galilée, la théologie avant Luther, l’art avant Michel-Ange, la philosophie avant Bacon et Descartes, n’empêcheront pas que le mouvement qui a pris naissance au XVe siècle n’ait été un mouvement libérateur. Les contemporains ne se sont pas trompés quand ils ont cru saluer une ère de délivrance. Tous ils ont senti que des fers leur tombaient des mains, et rien ne nous persuadera que l’humanité doive des regrets aux jougs qu’elle a brisés. Aussi la liberté, après avoir été le caractère de ce premier effort, est-elle restée l’objet final de tout progrès. La liberté a des formes et des applications diverses ; mais sous toutes ses formes et dans toutes ses applications elle est l’esprit même de la renaissance développé et confirmé par le temps. Elle n’est pas une conséquence possible, un résultat éventuel de l’émancipation de l’esprit humain. Encore moins est-elle une pure négation des choses du passé. Non, aujourd’hui comme au premier jour que l’homme s’est mis à penser par lui-même, elle est à la fois le but et le moyen, elle est le principe et la fin. C’est par cette pensée, nous le craignons, que nous différons de M. Guéroult, non assurément qu’il fasse fi de la liberté ; mais elle pourrait n’être pour lui qu’un accessoire, et nous la mettons au premier rang.

Elle n’est pas en effet l’unique bien de ce monde, mais elle en est le plus nouveau. Voilà tantôt quatre cents ans, pas davantage, que nous avons commencé ou recommencé à comprendre les raisons d’être libres. On s’est figuré quelquefois, et dans les meilleures intentions du monde, que la liberté datait de plus loin, et l’on a cru en retrouver les garanties primitives dans ces forces diverses qui, dès le moyen âge, se résistaient les unes aux autres. Assurément jamais le pouvoir qu’on appelle absolu n’est absolument illimité. Jamais la prépotence d’un maître ou d’une caste ne manque de rencontrer, de susciter quelque obstacle ; mais ces conflits, ces collisions livrées au hasard des événemens, ne sont pas plus la liberté de droit commun qu’une science sans méthode n’est une science. Lors donc que la révolution française, qui n’est que l’entrée