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il borne à peu presses vues sur la constitution de l’état à la conquête de ce qu’il appelle singulièrement l’égalité représentative, c’est-à-dire une représentation fondée sur l’égalité, ou pour nommer les choses par leur nom, sur le suffrage universel. Quel sera d’ailleurs le pouvoir de cette représentation ? De quelles prérogatives armée pourra-t-elle faire prévaloir dans le gouvernement le vœu, l’opinion, la volonté du pays ? Dans le cerclé de quelles garanties gardiennes de tous les droits individuels sera-t-elle appelée à se mouvoir et à déterminer la politique de l’état, à assurer sa force et son action sans attenter à l’indépendance légitime du citoyen ? Sur tous ces points, les plus essentiels pour la liberté, l’auteur se tait ou se borne à quelques généralités qui semblent accuser un peu d’indifférence. Assurément il y aurait iniquité à supposer ami du pouvoir arbitraire un écrivain qui, dans maint passage, proteste en faveur de la justice contre la révolution française elle-même. M. Petetin relève vivement contre cette doctrine de la souveraineté du but qui tient tous les moyens pour licites s’ils sont efficaces. Dans plus d’une page écrite avec autant de force que de justesse, il combat ces apologies de la tyrannie révolutionnaire qui ont desservi et diffamé la plus belle des causes, et compromis mortellement ce qu’elles voulaient défendre. Elle est de lui cette parole ingénieuse et vraie : « Le jacobinisme évoque le fantôme de la terreur pour faire peur aux rois ; ce sont les peuples qu’il effraie. » Sans doute un aussi franc ennemi de l’oppression des minorités ne peut être fort épris des beautés du despotisme. Cependant on risque toujours de se faire soupçonner de méconnaître les garanties réelles de la liberté lorsqu’on attache une importance presque exclusive à une forme électorale égalitaire, surtout si l’on s’érige en censeur sévère des luttes, des manœuvres et des doctrines de tous les partis, et si l’on recommande comme le but suprême de la politique pratique leur conciliation telle qu’elle a été tentée par l’immortel fondateur du premier empire. La conciliation des partis ne s’obtient guère qu’en leur imposant silence, et le silence des partis ne va pas sans leur esclavage ; M. Petetin sait très bien que la souveraineté du nombre, même constituée sous la forme du suffrage universel, pourrait servir d’enseigne à la tyrannie, lui qui reproche à Rousseau de s’en être trop facilement accommodé pour avoir pris son idéal dans la cité antique sans aucun respect du sentiment chrétien ; mais c’est une faible sauvegarde, soit pour les individus, soit pour les minorités, soit même pour la société tout entière, que ce vague appel au sentiment chrétien. On voudrait savoir par quels moyens l’auteur entend le faire rentrer dans l’organisation démocratique, ce sentiment chrétien, qui n’est apparemment que le sentiment du droit sous un nouveau nom de baptême. Où sont-ils les boucliers du droit