Page:Revue des Deux Mondes - 1863 - tome 44.djvu/637

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

côté, tandis qu’il est de sept au midi. Cette différence, s’explique : au nord, le pied de la montagne est moins bas qu’au midi, la ville de Malaucène étant à 400 mètres au-dessus de la mer, tandis que le village de Bedoin n’est qu’à 190. Aussi l’olivier ne saurait-il mûrir ses fruits sur des pentes tournées vers le nord à des altitudes supérieures à 400 mètres. Cela est si vrai que sur les contre-forts des basses montagnes opposées au Ventoux il monte au-dessus de 500 mètres dans les vallons abrités qui séparent les deux chaînes. Originaire de l’Asie-Mineure et de la Grèce, l’olivier est un arbre délicat et très sensible aux gelées printanières, qui ne s’élève pas à une grande hauteur sur les montagnes. Dans la vallée du Rhône,. les derniers oliviers sont au pied des rochers volcaniques de Rochemaure, un peu au nord de Montélimart. Jadis les oliviers étaient communs jusqu’à Valence ; mais l’extension de la culture du mûrier à la fin du XVIe siècle les a refoulés vers le midi.

Le lecteur connaît maintenant la topographie botanique du Mont-Ventoux ; il a vu comment les zones de végétation s’échelonnent sur ses flancs et représentent en miniature la succession des végétaux depuis les plaines de la Provence jusqu’aux extrémités de la péninsule Scandinave. Sur toutes les grandes montagnes, on trouve des successions semblables ; mais nulle part on ne rencontre une montagne géographiquement mieux placée, plus détachée du groupe principal et mieux orientée pour que l’influence de l’exposition se traduise par la végétation. Espérons que les travaux de reboisement si bien commencés seront couronnés de succès, et qu’un jour une large ceinture de forêts entourera d’une écharpe de verdure les flancs encore dénudés du Ventoux. Ce résultat si désirable obtenu sur une montagne isolée encouragera les essais de repeuplement toujours plus facile sur des pentes abritées contre le vent. Du reste cette montagne n’est pas la seule qui ait fait le sujet d’une monographie botanique, et, sans sortir de l’Europe, je me contenterai de citer les travaux déjà connus de Philippi sur l’Etna, de Boissier sur la Sierra-Nevada, de Ramond et de Charles Desmoulins sur les Pyrénées, de Lecoq sur l’Auvergne, de Thurmann sur le Jura, de Wahlenberg et de Heer sur les Alpes et les montagnes de la Scandinavie. La Géographie botanique raisonnée d’Alphonse de Candolle résume admirablement toutes ces données : elle présente un tableau fidèle de l’état de cette science à notre époque, et sera le point de départ de travaux ultérieurs et d’explorations nouvelles qui achèveront de nous faire connaître la distribution géographique et topographique des végétaux à la surface du globe.


CH. MARTINS.