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que le hêtre, qui appartient aux essences de l’Europe moyenne, puisse prospérer. Dans la plaine du Rhône, il ne commence à apparaître qu’aux environs de Lyon, et il faut s’avancer jusque dans le nord de la France pour le trouver dans toute sa beauté, qu’il conserve en Belgique, en Allemagne et en Danemark, où il a de tout temps excité l’admiration des peintres et inspiré la muse champêtre. La limite septentrionale de cet arbre, déterminée avec beaucoup de soin par Alphonse de Candolle, forme une courbe qui, commençant un peu au nord d’Edimbourg, atteint son point culminant à Alvesund (latitude 61° 31′), près de Bergen en Norvège, redescend en Suède, au sud des lac Wettern et Wenern, coupe la côte de Poméranie près de Kœnigsberg, pour se diriger au sud-est à travers la Wolhynie jusqu’en Crimée (latitude 45 degrés), où elle atteint sa limite méridionale. On voit que dans la plaine comme sur la montagne le hêtre craint les fortes chaleurs ; mais il redoute également les hivers trop rudes, puisqu’il s’arrête en-deçà du cercle polaire. Sa limite septentrionale s’abaisse dans l’est où les hivers, comme on sait, sont d’autant plus rigoureux qu’on s’éloigne plus de l’Océan. Au contraire la modération des hivers et des étés lui permettent de s’avancer dans la France occidentale jusqu’au pied des Pyrénées.

De la région des hêtres, on descend dans celle du buis, du thym et des lavandes, qui est excessivement étroite sur le versant nord du Ventoux, car elle est comprise entre 800 et 910 mètres. La zone végétale placée immédiatement au-dessous de celle-ci est caractérisée par un arbre que nous chercherions vainement sur le versant méridional. Le noyer est cultivé sur les pentes septentrionales du Ventoux. Le dernier auquel j’aie suspendu mon baromètre pour mesurer son altitude se trouvait près de la chapelle de Saint-Sidoine, à 797 mètres au-dessus de la Méditerranée. Le noyer est originaire de la Perse et spontané dans les régions au sud du Caucase.-Dans l’Europe occidentale, il ne dépasse pas le 56e degré de latitude, savoir : la latitude d’Edimbourg et de Copenhague ; il ne faut donc pas s’étonner s’il ne s’élève pas davantage sur le flanc septentrional du Ventoux. Plus haut d’ailleurs sa culture serait illusoire, car, n’étant plus protégé par les contre-forts des montagnes opposées, le vent abattrait ses fruits bien avant leur maturité.

La région la plus basse du versant nord du Ventoux est caractérisée par la présence du chêne vert. Il ne dépasse pas l’altitude de 620 mètres. Plus haut le climat serait trop rude pour lui. Sur les côtes océaniques de la France, où les hivers sont si doux, le dernier bois de chênes verts se trouve dans l’île de Noirmoutiers, près de l’embouchure de la Loire, par le 47° degré de latitude.

La région des oliviers manque sur le versant septentrional du Ventoux, ce qui réduit à six le nombre des régions végétales de ce