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quinze ans en élèveront probablement la limite altitudinale. Au milieu des taillis, on trouve la dentelaire d’Europe, le genévrier cade, la grande euphorbe characias, la Psoralea à odeur de bitume, etc.

Une région dépourvue de végétaux arborescens vient immédiatement après les deux premières. Le sol est nu, pierreux, généralement inculte ; cependant çà et là on remarque des champs de pois chiches, d’avoine ou de seigle, dont les derniers sont à 1,030 mètres au-dessus de la Méditerranée ; mais un arbrisseau, le buis, deux sous-arbrisseaux, le thym et les lavandes, une autre labiée herbacée, le Nepeta graveolens et le dompte-venin (Vincetoxicwn officinale), dominent pour la taille et le nombre. C’est dans cette région que les tentatives de reboisement au moyen des chênes et des pins maritimes se poursuivent avec succès. Il faut s’élever jusqu’à 1,150 mètres pour retrouver de nouveau la végétation arborescente : elle se compose de hêtres. D’abord épars et sous forme de taillis, ils sont plus grands à partir de 1,240 mètres, surtout dans les ravins profonds, véritables vallons qui les abritent du vent. Quelques-unes de ces gorges offrent un aspect charmant ; des escarpemens pittoresques les dominent, de beaux bouquets de hêtres aux troncs marbrés de lichens blancs se groupent à leur pied, un vert gazon entretenu par l’humidité du sol tapisse le fond de la combe. Des perspectives s’ouvrent d’un côté vers les arêtes nues de la montagne, de l’autre vers la plaine fertile ; les eaux du Rhône scintillent au loin, l’air est traversé par les abeilles bourdonnantes qui s’échappent des ruches étagées au midi contre les rochers. Le thym et les lavandes exhalent leurs parfums pénétrans lorsque le pied du voyageur vient à les fouler. L’œil est charmé de ce contraste qu’on ne trouve que dans le midi : une belle verdure due à la fraîcheur du sol sous un ciel bleu et avec un air sec, chaud et transparent. Au printemps, en automne et pendant les pluies d’orage de l’été, ces ravins sont des torrens éphémères, mais terribles, qui entraîneraient le voyageur et ses chevaux comme des brins de paille ; mais le torrent passe vite, le sol est imbibé d’eau, le soleil luit, et la végétation reprend avec une vigueur nouvelle.

Les hêtres montent jusqu’à 1,660 mètres. À cette hauteur, les dépressions sont peu profondes, et les arbres, exposés à l’action déprimante du vent qui les couche sur le sol, ne sont plus que d’humbles buissons à branches courtes, dures et serrées. Un pareil buisson, semblable à une boule ou à un matelas étendu par terre, est souvent aussi vieux que de grands hêtres qui élèvent dans le ciel leur cime orgueilleuse. Un grand nombre de plantes habitent la région des hêtres. Plusieurs appartiennent, la zone subalpine des montagnes de l’Europe moyenne, et ne descendent jamais dans la plaine. Telles sont le nerprun, le groseillier, la giroflée, la