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de truffes. Les uns s’imaginent que la truffe est une excroissance naturelle de la racine du chêne, les autres le résultat de la piqûre d’une mouche ou d’un autre (insecte. La plupart sont convaincus « qu’il existe des chênes au pied desquels on trouve des truffes, et que pour cela on appelle chênes truffiers, tandis que d’autres sont frappés de stérilité. Autant d’erreurs., autant d’illusions : la truffe est un champignon souterrain qui se reproduit comme ses congénères, mais ne prospère que dans les terrains calcaires et au milieu du chevelu des arbres, et surtout des chênes. Les pluies de juillet ou d’août favorisent son accroissement et assurent une belle récolte.

Les chercheurs de truffes avaient depuis longtemps observé que les lignes et les champs cultivés bordés de chênes verts rabougris étaient des localités fertiles en truffes. De là à l’idée de cultiver ces tubercules, il n’y avait qu’un pas : M. Auguste Rousseau de Carpentras l’a franchi. Sur un terrain de 2 hectares formé par du calcaire siliceux, il sema des glands de chênes blancs et de chênes verts truffiers, c’est-à-dire au pied desquels on avait trouvé des truffes. Le semis réussit : au bout de huit ans, en 1856, un illustre agronome dont la science déplore la perte récente, M.de Gasparin, constatait une récolte de 8 kilogrammes de truffes par hectare, ce qui, au prix de la truffe à cette époque, 6 francs le kilogramme, représentait un produit de 45 fr. par hectare ; mais depuis cette époque le rendement de la truffière a augmenté, et le prix de la truffe s’est élevé. Aujourd’hui M. Auguste Rousseau obtient une récolte moyenne de 260 kilos par an sur une superficie de 5 hectares, ce qui élève le produit à 52 kilos par hectare, et le prix moyen de la truffe ayant été dans ces dernières années de 15 francs le kilo sur le marché de Carpentras, il en résulte qu’un hectare de mauvais terrain planté d’un taillis de chênes de quinze ans produit annuellement 780 fr. Retranchant de cette somme 10 francs pour le labour, les journées de récolte et la rente du terrain, qui peuvent s’élever ensemble à 25 fr. il reste un produit net de 740 fr. par hectare. Peu de cultures donnent des résultats semblables avec aussi peu de soins. Deux remarques intéressantes ont été faites dans la truffière de M. Rousseau. La première, c’est que les truffes se trouvaient plus abondantes, plus égales et plus parfumées au pied des chênes verts qu’au pied des chênes ordinaires ; la seconde, c’est que les tubercules se rencontraient toujours au pied des arbres qui en avaient donné les années précédentes. Ces arbres étaient marqués d’une croix blanche, et la truie chargée de découvrir la truffe se dirigeait immédiatement vers ces arbres en ouvrant avec son groin un large sillon dans le sol. Le tubercule découvert, on lui donne un coup sur le nez, et on lui jette quelques glands ou une pomme de terre pour prix de sa peine. Les