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du nouvel accord dont il indiquait les bases, le roi goth offrait pour otages à l’empereur des personnages distingués de sa nation et demandait nominativement deux otages romains : Jason, fils de Jovius, préfet d’Illyrie, et le jeune Aétius, fils de Gaudentius, qui avait déjà passé près de lui trois années en la même qualité, lorsqu’il occupait l’Epire.

Ce message, parti du camp d’Alaric pour Ravenne vers la fin de septembre, trouva la cour et le gouvernement dans la plus grande confusion, mais dans un aveuglement plus grand encore. Olympius prit en face des envoyés l’attitude superbe d’un vainqueur de Stilicon, et Honorius, qui croyait ou s’efforçait de croire que le roi des Goths avait été d’accord avec son beau-père pour le renverser du trône, éconduisit ses ambassadeurs sans leur laisser le moindre espoir d’arrangement. C’était la guerre, la guerre immédiate « qu’on eût pu éviter, dit un historien, en achetant une trêve par quelque argent, les Barbares se prenant toujours à ce piège; » mais l’esprit de vertige animait cette administration, tout occupée de questions de parti, qui provoquait de gaîté de cœur la guerre étrangère à l’instant même où, par l’expulsion des Barbares fédérés, elle brisait le nerf de l’armée romaine. Ce n’était en effet ni Turpillion ni Varane qui pouvaient rendre la confiance aux troupes désorganisées, et la présence d’un Vigilantius à la tête des cohortes palatines n’était bonne qu’à discréditer une milice brave, habituée à servir sous des chefs éprouvés. Olympius, malgré tout, se mit à concentrer une armée qu’il renferma dans Ravenne, derrière les marais et les fossés qui entouraient la place ; il ordonna en outre des levées d’hommes en Italie, mais sans succès. L’esprit de suite et de direction intelligente manquait à ce gouvernement pour les petites comme pour les grandes choses : les mouvemens de troupes s’opéraient au hasard, sans vues d’ensemble; en dégarnissant la plupart des villes fortifiées du nord, on laissait libre le débouché des Alpes en face d’Alaric; on ne songea pas davantage à fermer les gorges de l’Apennin, qui livraient à l’ennemi la route de Rome. Les mesures prises n’eurent qu’un but : couvrir dans leur repaire impénétrable Honorius, ses ministres et ses eunuques; Rome et l’Italie furent abandonnées.

Lorsqu’Alaric eut mis ainsi de son côté l’apparence du droit, il n’hésita plus à marcher, et, sans attendre l’arrivée de son beau-frère, il gagna la frontière italienne avec autant de précipitation qu’il avait montré jusque-là de lenteur. Entré en Italie, il passa près d’Aquilée sans l’assiéger; Concordia, Altinum, Crémone ne le retinrent pas davantage : il franchit le Pô dans cette dernière ville, avant d’avoir rencontré un seul ennemi. « On eût cru assister à une