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Honorius lui en fit reproche un jour qu’il le rencontra. « Pourquoi ne te vois-je plus, lui dit-il, et comment, étant magistrat, ne parais-tu pas dans le palais aux époques déterminées et à ton rang?

— César, répondit le Barbare, j’obéis à votre loi, car je ne suis pas

chrétien. » L’empereur s’étant récrié sur ce que sa loi ne regardait pas un homme tel que lui, et qu’il pouvait se présenter : « Non, reprit Généride avec fermeté, votre loi nous condamne à quitter le baudrier, nous l’avons fait, et je n’accepterai jamais une exception qui serait une insulte pour les autres ! » Honorius eût voulu réparer le mal que faisait sa loi : il était déjà trop tard. Des officiers romains sans expérience et sans autre mérite que l’appui du parti vainqueur remplaçaient déjà les officiers barbares dans tous les cadres de l’armée. Turpillion commandait la cavalerie, Varane l’infanterie; « ces deux hommes, selon le mot d’un historien, n’étaient bons qu’à enhardir l’ennemi et à décourager leurs propres troupes. » Quant à la garde du prince, où servait l’élite des milices impériales, elle avait été confiée à Valens, soldat plutôt que général, d’une bravoure inconsidérée, et qui nuisit plus à l’empire par son ardeur que les autres par leur lâcheté.

Tandis que la société romaine, en proie à une réaction impitoyable, chancelait ainsi sur ses bases, et que le nom de Stilicon servait de prétexte à tous les excès des partis, que devenait la famille du régent? Sérène, réunie à sa fille Thermantia, vivait obscurément dans un coin de Rome. Ces deux reines détrônées confondaient leurs larmes : l’une pleurait son mari assassiné, son fils supplicié sous ses yeux; l’autre dévorait en silence l’affront d’une répudiation. Pourtant la mesure des maux n’était pas comblée pour elles; une nouvelle catastrophe, la plus tragique de toutes, menaçait ce reste infortuné de tant de gloires. Thermantia devait survivre à sa mère. Elle ne mourut qu’en 415, et des mains pieuses la transportèrent près de sa sœur Marie dans les caveaux du Vatican. Vouées au même destin, elles partagèrent aussi la même tombe, après avoir partagé la couche du même homme et l’avoir quittée toutes deux sans être épouses; mais Honorius avait en vain dépouillé Thermantia des honneurs souverains : la mort les lui rendit. Elle fut ensevelie dans le manteau et avec les ornemens des impératrices, et quand, onze siècles plus tard, des fouilles pratiquées au Vatican amenèrent la découverte de son sépulcre, on recueillit parmi ses os plusieurs poignées de perles mêlées à des débris de pourpre et d’or.

On ne peut parler de la famille de Stilicon sans y joindre Claudien, dont la renommée reste attachée à celle de son héros. Comme ami, comme païen et comme poète, il devait être une des premières victimes de la terrible réaction. Comme poète, et l’égal de Juvénal