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gardes. Il fut sévère, dans cette affaire de Horn, plus qu’on ne l’eût pensé. On eut beau lui représenter que le coupable lui tenait à lui-même, tenait à l’empereur, à je ne sais combien de princes d’empire, qu’on devait épargner cette tache à tant d’illustres familles, à toute la noblesse européenne, qui en souffrirait cruellement dans son honneur et dans ses privilèges. On donna de l’argent, on pria, on menaça presque. On eût voulu du moins obtenir le secret, la Bastille, l’échafaud de Biron. Le régent, ainsi pressé, trouva un mot qui reste : « C’est le crime qui fait la honte, non l’échafaud ; » puis il se sauva à Saint-Cloud. Horn, pris le 22 mars 1720, fut, le 26, exécuté, rompu, et en pleine Grève, à la stupéfaction de tous. Grave, très grave événement qu’on n’eût jamais vu sous Louis XIV ! remarquable victoire de la moralité moderne, de la loi inflexible contre le privilège et l’injustice antique, contre les élus impeccables, « prolongement de la Divinité ! » Tous responsables et jugés par leurs faits ! Pour tous, l’égalité du glaive !


V. — LAW ECRASE. — VICTOIRE DE LA BOURSE DE LONDRES. — MAI 1720.

Duverney exilé, Argenson aplati (se faisant tout petit pour conserver le ministère), pouvaient espérer en Dubois, désormais opposé à Law. Dubois avait cela d’original, d’être le meilleur Anglais de l’Angleterre, et le meilleur Romain de Rome. Le 3 avril, dans un repas immense, il triompha et fêta sa victoire, son archevêché de Cambrai, sa guerre d’Espagne, l’acceptation de l’Unigenitus par nos évêques opposans. Ce 3 avril, c’est le jour même où le plan de Blount devient loi, le jour d’où la hausse de Londres va précipiter notre baisse.

Avec un tel apôtre, Rome triomphe. On fait promettre à Law de donner des missionnaires, des jésuites à sa colonie ; on le mène à Saint-Roch communier et faire ses pâques. Il croyait répondre par là aux bruits semés dans le sot peuple qu’il restait huguenot, qu’il était esprit fort, ne croyait pas en Dieu, etc. Ses ennemis, par différens moyens, jouaient un jeu à le faire mettre en pièces. D’une part, le parlement, aux jours de cherté où bouillonnaient les halles, semblait le désigner comme affameur du peuple, disant qu’il avait fait plus de mal en six mois que toute la guerre en vingt années. D’autre part, la police continuait, aggravait les enlèvemens, malgré Law, contre son avis et son opposition formelle. D’Argenson, qui semblait avoir quitté la police, la gardait réellement et la faisait agir.

Law n’avait jamais compté que les paresseux flâneurs de Paris seraient de bons cultivateurs. À la Salpêtrière, il ne demanda que