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munie du sceau impérial ordonna d’en tirer le fugitif à main armée. L’asile fut envahi par des soldats, le sanctuaire violé, et le prisonnier dirigé, pieds et poings liés, sur Ravenne.

Un simulacre de tribunal l’y attendait, un simulacre de jugement le condamna à perdre la tête. L’ordre régulier des choses voulait que l’arrêt fût exécuté dans Ravenne même, il en fut autrement : l’empereur décida qu’Euchérius serait décapité dans l’enceinte de Rome. Quelles furent ses raisons : superstition ou cruauté raffinée? Craignit-il que le sang du fils versé sur une terre encore tiède du sang du père ne s’élevât avec trop de force pour crier vengeance contre lui, ou réservait-il à Sérène, comme une marque de bonne parenté et de reconnaissance, le spectacle de son fils supplicié? Prétendit-il enfin intimider par cet exemple les habitans de Rome, qui ne cachaient ni leurs regrets de la perte de Stilicon, ni leur éloignement pour ses meurtriers? Ces trois raisons contribuèrent probablement à la détermination d’Honorius; mais une quatrième aussi put le toucher. Il avait chassé sa femme du palais, ou du moins de son appartement, sans qu’elle eût jamais donné lieu à aucun reproche (l’histoire a le soin de nous le dire) : la trouvant encore trop près, il voulait la renvoyer à sa mère; or l’occasion lui semblait assez naturelle de faire escorter la sœur jusqu’à Rome par le convoi qui ramènerait le frère condamné à mort. Cette résolution arrêtée, on équipa une petite troupe de braves bien armés, et deux eunuques de confiance, Térentius et Arsacius, furent chargés de livrer, dans les murs de la ville éternelle, Thermantie à sa mère, Euchérius au bourreau.

Ces événemens se passaient au moment où l’armée d’Alaric rentrait en Italie, ainsi qu’on le verra plus tard. Le convoi chemina d’abord assez tranquillement; à quelques journées de marche, de l’autre côté de l’Apennin, il rencontra des fourrageurs de cette armée qui couraient la campagne, mêlés aux débris des anciennes bandes de Stilicon. On se battit, et les Romains furent mis en déroute : dans le conflit, Euchérius fut délivré, ou s’échappa des mains de ses gardiens. Les Barbares, ravis d’une si belle capture, le conduisaient déjà vers Alaric, quand les Romains, revenus sur leurs pas, prirent vaillamment leur revanche et reconquirent leur prisonnier. Rien ne les troubla plus durant le trajet, et ils arrivèrent à Rome avec leur double dépôt. Térentius y remplit sa mission en serviteur exact et scrupuleux ; il ne repartit point sans avoir vu tomber la tête d’Euchérius et remis l’impératrice aux mains de sa mère. Toutefois il se garda bien de revenir par le même chemin, tant il craignait une nouvelle rencontre des Barbares. Un navire frété au port d’Ostie le ramena, en longeant les côtes de la Campanie et des Abruzzes, jus-