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sorerie devraient être imprimées et communiquées à la chambre au début de la session. Achevé par ces diverses dispositions, notre système pourrait être considéré comme présentant des garanties efficaces contre l’excès des dépenses sur les ressources. Payant comptant par l’impôt tous les frais de la politique du gouvernement, le pays saurait au vrai ce que cette politique lui coûte, et s’il trouvait son argent trop mal défendu par les députés actuels, ce serait à lui de choisir dans les élections générales des représentans qui eussent assez d’intelligence et d’application pour découvrir les fautes du pouvoir, assez de talent pour les dénoncer avec netteté et assez de caractère pour y résister.

Le gouvernement met la main assez aventureusement à une œuvre bien difficile en tentant d’organiser en Algérie la propriété arabe. Quelle que soit l’opinion que l’on professe dans cette question, on doit convenir qu’une telle entreprise est une véritable crise pour notre colonie algérienne, et l’on s’explique l’émotion dont nos colons ont été saisis depuis la publication de la lettre de l’empereur qui annonçait le projet de sénatus-consulte aujourd’hui soumis au sénat. On ne peut sans doute que s’associer à ce qu’il y a de généreux dans les intentions de l’empereur envers les populations arabes de l’Algérie. Certes la France ne peut suivre l’exemple de ces nations qui ont fondé leur empire colonial sur l’extermination ou l’abrutissement des races indigènes, elle doit faire en sorte que sa domination soit un bienfait pour les Arabes et accroisse progressivement leur civilisation et leur bien-être ; mais qu’animé d’un tel dessein on passe tout à coup à la pensée d’accomplir une révolution soudaine dans la condition sociale des Arabes, nous avons peine à le comprendre. Constituer la propriété sur des bases nouvelles ! mais c’est la plus grande révolution qui se puisse accomplir dans une société ; c’est un genre de révolution que le temps seul jusqu’à ce jour a mené à bonne fin, et il est difficile de croire qu’aucune force humaine y puisse jamais suppléer au temps. À entreprendre un aussi grand travail, mieux eût valu aller tout de suite au système le plus radical, à celui qui aurait le plus rapproché les Arabes de notre système de propriété, de la seule propriété véritable, de la propriété individuelle. L’organisation des Kabyles, ces cultivateurs si laborieux, ces propriétaires si tenaces, nous montre en Algérie même que l’islamisme n’est pas incompatible avec le principe vivace de la propriété individuelle. Le petit nombre d’Arabes qui sont venus chercher dans nos zones civiles un abri contre l’oppression et la rapacité des chefs de tribus prouve que la propriété individuelle, et la vie indépendante dont elle est la garantie, ne sont point sans attrait sur la race nomade. À fonder la propriété arabe, il fallait au moins s’assurer par de longues études, par des expérimentations successives, s’il n’était pas possible de rendre les Arabes individuellement propriétaires. Il y a là des questions d’une importance si capitale qu’il eût fallu les éclairer de toute sorte d’enquêtes et les vulgariser par les discussions les plus larges et les plus patientes. On a pris un parti qui a tous