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indépendance. Le partage qui le raya du nombre des nations fut le prélude, en partie la cause peut-être, jusqu’à un certain point l’excuse des bouleversemens auxquels l’Europe a été en proie. » Lord Castlereagh, de son côté, en expliquant l’opposition qu’il avait faite à la formation d’un royaume polonais à Varsovie, parce qu’il y voyait un moyen de prépondérance pour la Russie, disait : « Le vœu que la cour du soussigné a constamment manifesté a été de voir en Pologne un état indépendant plus ou moins considérable en étendue, qui serait régi par une dynastie distincte et formerait une puissance intermédiaire entre les trois grandes monarchies. Si le soussigné n’a pas eu l’ordre d’insister sur une semblable mesure, le seul motif qui ait pu retenir a été la crainte de faire naître parmi les Polonais des espérances qui auraient pu devenir ensuite une cause de mécontentement, puisque d’ailleurs tant d’obstacles paraissent s’opposer à cet arrangement... » M, de Metternich, à son tour, disait au nom de l’Autriche : « La marche que l’empereur a suivie dans les importantes négociations qui viennent de fixer le sort du duché de Varsovie ne peut avoir laissé de doute aux puissances que non-seulement le rétablissement d’un royaume de Pologne indépendant et rendu à un gouvernement national polonais eût complètement satisfait aux vœux de sa majesté impériale, mais qu’elle n’eût pas même regretté de plus grands sacrifices pour arriver à la restauration salutaire de cet ancien ordre de choses... Dans aucun temps, l’Autriche n’avait vu dans une Pologne libre et indépendante une puissance rivale et ennemie, et les principes qui ont guidé les augustes prédécesseurs de l’empereur, et sa majesté impériale elle-même, jusqu’aux époques des partages de 1772 et de 1795, n’ont été abandonnés que par un concours de circonstances impérieuses et indépendantes de la volonté des souverains de l’Autriche... » Et l’empereur Alexandre enfin, s’entretenant familièrement avec lord Castlereagh, lui adressait ces paroles : « A la vérité, il ne s’agit pas en ce moment de rétablir la Pologne tout entière; mais rien n’empêche que cela ne se fasse un Jour, si l’Europe le désire. Aujourd’hui la chose serait prématurée. Ce pays a besoin d’être préparé à un aussi grand changement; il ne peut l’être mieux que par l’érection en royaume d’une partie de son territoire, à laquelle on donnerait des institutions propres à y faire germer et fructifier les principes de la civilisation, qui se répandraient ensuite dans la masse entière. Ce plan ne coûtera des sacrifices qu’à moi, puisque ce royaume ne sera formé que de provinces sur lesquelles la conquête me donne d’incontestables droits; mais ces sacrifices, je les ferai avec plaisir, par principe de conscience, pour consoler une nation malheureuse, pour hâter la marche de la civilisation. J’y attache mon bonheur et ma