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LA POÉSIE
D’UNE VIEILLE CIVILISATION

Poésies de l’époque des Thang,
traduites du chinois par M. d’Hervey Saint-Denys ; 1 vol. in-8o, 1862.

Vous connaissez cette mystification malicieuse que dans les vieux romans de chevalerie les spirituelles fées et leurs compères les enchanteurs s’amusent à faire subir à leurs victimes et quelquefois à leurs favoris? Un chevalier sort d’un château où il redoute quelque piège, ou dont il craint les délices. Il ne veut pas laisser sa vaillance se rouiller plus longtemps dans l’oisiveté : le génie de l’aventurier qui est en lui se réveille ; il se rappelle son titre de chevalier errant, les devoirs auxquels ce titre l’oblige, et il part, il va chercher les aventures imprévues des grandes routes, les bonnes fortunes du hasard, voir d’autres terres et d’autres visages, et courir de nouveaux périls. Un jardin, coupé d’allées dans tous les sens, entoure le château : le chevalier choisit une de ces allées au hasard et s’éloigne; mais, après avoir erré longtemps à travers un méandre d’arbustes et de fleurs, il se trouve de nouveau en face de la demeure qu’il vient de quitter. Il choisit une seconde avenue, puis une troisième, et la mystification malicieuse se répète autant de fois qu’il fait effort pour s’enfuir. Cette mystification est l’emblème d’un fait que chacun de nous peut retrouver dans son expérience : point n’est besoin d’être chevalier errant pour l’avoir subie; la nature et le génie de la race même à laquelle nous appartenons nous l’ont infligée mille fois. Demandez au voyageur avide d’inconnu et de nouveauté si sa curio-