Page:Revue des Deux Mondes - 1863 - tome 44.djvu/407

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

bien, mais sur la foi de qui? On le comprend, tout était là. Il s’agissait de savoir à quel titre la doctrine chrétienne s’offrait à la foi des fidèles, sur quelle autorité elle s’appuyait. L’autorité, dans une religion dogmatique, c’est la clé de voûte du système. On me somme de croire, mais encore faut-il que je sache ce qui doit déterminer ma croyance. Vous me parlez de révélation, mais encore faut-il que cette révélation ait ses preuves, qu’elle produise ses titres. En d’autres termes, il y a nécessairement par-delà toutes les croyances une dernière croyance qui appuie et résume les autres, qui en établit la certitude et en justifie la divine origine. C’est ici que le catholicisme et le protestantisme se sont séparés. La conception religieuse fondamentale est restée la même; de part et d’autre le salut est également attaché à une croyance dogmatique, de part et d’autre il y a un dépositaire infaillible des doctrines, un juge suprême des controverses; seulement l’autorité catholique, c’est l’église, tandis que l’autorité protestante, c’est l’Écriture.

On comprend par là ce que la Bible est devenue pour le protestant. Il n’y voit pas les monumens de la foi des Hébreux et des premiers chrétiens, il n’y voit pas les documens de l’histoire de la plus pure des religions; il n’y cherche pas le verbe de ces grands prophètes de Dieu qui ont parlé à leur peuple de justice, de repentance et de pardon, de ces pieux poètes qui ont chanté leurs douleurs et leurs espérances, et dont les accens sont éternels comme les sentimens qui les ont animés. Non, le protestant orthodoxe ouvre sa Bible pour y trouver les propositions qu’il doit croire. Elle est pour lui, je ne dirai pas la source de la révélation, mais la révélation même. Comme elle est l’autorité religieuse suprême, elle est au-dessus de tout jugement et de toute appréciation. C’est Dieu même qui s’y fait entendre. Non-seulement il ne peut s’y trouver rien d’humain, ni erreur, ni tache, ni contradiction, il ne s’y trouve rien non plus d’inutile; chaque ligne, chaque mot est un message du Très-Haut adressé à l’homme, une manifestation de sa volonté et de ses perfections.

L’autorité dogmatique, quel qu’en soit le siège, a un inconvénient : elle doit prouver tout le reste, et elle-même a besoin de preuves. Il faut croire sur la foi de l’église, mais il faut pour cela commencer par croire à l’église, et les titres de l’église à notre confiance ne sont pas moins sujets à contestation que les dogmes qu’elle prétend couvrir de son infaillibilité. Il faut croire à l’Écriture, mais la dogmatique protestante ne renferme pas une seule proposition qui ne soit plus facile à prouver ou à défendre que l’inspiration de la Bible. La difficulté est grave; ce n’est pas la seule. L’autorité en matière de foi est surtout compromise par le conflit dans lequel elle se trouve