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physiologique devenu aujourd’hui, par ses soins infatigables, très important. Il avait institué, outre son cours à l’université, des lectures publiques par lesquelles, avec un don singulier d’expression à la fois pittoresque et précise, il popularisait quelques-uns des problèmes les plus délicats de la physiologie. On n’oubliera pas enfin ses beaux travaux sur l’idiotisme, et particulièrement son livre sur Gaspard Hauser, qui l’engagea dans une vive polémique avec le professeur allemand M. Daumer. La science perd en lui un des hommes de ce temps-ci qui lui faisaient le plus d’honneur, le Danemark un de ses plus dévoués citoyens, et la société de Copenhague, ainsi que ses nombreux amis dans la société parisienne, un homme d’esprit et de cœur.


A. GEFFROY.



UN VOYAGE DANS LA TUNISIE.[1]

Parmi les pays sur lesquels la civilisation, après avoir passé comme une vague, commence à refluer déjà, la Tunisie nous semble être un de ceux qui seront le plus rapidement annexés au domaine de la société moderne. Avant longtemps la ville de Tunis sera percée de boulevards et décorée de squares : des touristes en foule iront visiter les ruines de Carthage et le magnifique amphithéâtre d’El-Djem; l’industrie, le commerce, les échanges de toute nature relieront à l’Europe ces rivages dont nous sépare seulement la largeur de la Méditerranée ; mais sans attendre ces jours de voyages faciles, où l’on pourra glaner des souvenirs en calèche et parcourir sans fatigue l’île des Lotophages ou le lac Tritonis, M. Guérin a fait son exploration à l’ancienne et difficile manière des voyageurs savans. Pendant huit mois, il a traversé le pays dans toutes les directions, bravant la chaleur, les intempéries, la poussière du désert, les dangers d’attaque de la part des Bédouins. Désireux de pouvoir dresser un inventaire à peu près complet des ruines de la Tunisie avant que le temps, la négligence des indigènes ou les travaux de la civilisation moderne ne les eussent fait disparaître, il n’a laissé en dehors de son itinéraire aucune ville de quelque importance, aucun amas de débris antiques signalé par ses devanciers ou par les Arabes ; il a fouillé sans relâche les vieilles masures, déchiffré les pierres romaines, estampé les inscriptions. Ses recherches ont été couronnées de tout le succès qu’on pouvait attendre d’efforts individuels. Il a retrouvé l’emplacement de plusieurs cités, dont quelques-unes étaient inconnues, il a pu fixer définitivement des noms de villes sur lesquels on hésitait encore, il a rectifié de graves erreurs depuis longtemps accréditées ; en un mot, il a reconstruit en grande partie la carte de l’ancienne province d’Afrique. Peut-être M. Gué-

  1. Voyage archéologique dans la régence de Tunis, publié sous les auspices et aux frais de M. le duc de Luynes, par M. V. Guérin ; 2 vol., avec carte, Plon, Paris 1862.