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Opéra en un acte, les Trovatelles, dont la musique facile avait inspiré quelque confiance dans l’avenir de son talent. L’année dernière, le 30 avril, M. Duprato a fait représenter à ce même théâtre un opéra en trois actes, Salvator Rosa, qui fut froidement accueilli par le public, et dont le triste résultat détruisit en partie la bonne opinion qu’on avait conçue de l’auteur des Trovatelles. La nouvelle partition de M. Duprato, nous sommes forcé de le reconnaître, hélas ! prouve d’une manière trop évidente que ce compositeur, d’ailleurs fort habile, manque tout à fait d’originalité. On est frappé du nombre de passages, de mélodies, de traits d’accompagnement connus et mis en circulation depuis longtemps, qu’on rencontre dans la Déesse et le Berger, dont le premier acte est presque la contre-partie du premier acte de Lalla-Roukh. En effet, l’amour du berger Bathyle pour la fausse déesse Maïa, cet amour, qui est traversé par la surveillance de Palémon, est une situation qui a beaucoup d’analogie avec celle de la princesse Lalla-Roukh, éprise d’une noble passion pour le poète-chanteur Noureddin, qui est pourchassé par la crainte jalouse de Baskir, Au second acte de la Déesse et le Berger, dont le libretto est facilement écrit, on apprend que le pauvre berger est le fils de Bacchus et d’Ariane. Le dieu du vin, qui joue dans cette pièce le rôle d’une espèce de père noble, reconnaît Bathyle, et le proclame son fils légitime. Le berger inconnu remonte alors au rang des dieux de l’Olympe et donne sa main à Maïa, qui, de simple mortelle qu’elle était, devient la compagne d’un être divin. Cette conclusion, comme on voit, a beaucoup d’analogie avec celle de l’opéra de M. Félicien David, où Lalla-Roukh retrouve dans le chanteur Noureddin son seigneur et maître le roi de Boukharie.

Il est bien difficile de signaler les morceaux remarquables de la Déesse et le Berger qu’on puisse attribuer à M. Duprato sans déni de justice. Après l’ouverture, qui n’a rien de remarquable, on peut louer le premier chœur que chantent les nymphes, bien que la couleur générale de cette gracieuse introduction rappelle fortement la manière de M. Félicien David. Le duo pour ténor et soprano, entre le berger Bathyle et Maïa, mérite le même éloge et le même reproche. Il est d’ailleurs trop long, surtout alors que les deux voix se réunissent et s’étreignent. Le chœur des nymphes invisibles, que l’on chante derrière les coulisses pendant que Bathyle évoque les souvenirs de sa première jeunesse.

Les nymphes sont pour toi, berger, reprends courage !


reproduit un effet trop connu pour qu’on le remarque. J’en dirai autant de la romance de Bathyle :

Je puis comme autrefois
Venir dans ce bois sombre,


mélodie médiocre, qu’une certaine partie du public a osé faire recommen-