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et surtout la prière à la Vierge de la fin. Il serait à désirer pourtant que M. Naudin modérât un peu ses élans et ses portamenti, et qu’il mît un plus grand soin à bien articuler la belle langue de son pays. MM. Delle-Sedie et Zucchini sont deux bravi bien élevés qui se laissent facilement attendrir et qui ne demandent pas mieux que de bien vivre avec la justice. Ils sont drôles tous les deux dans les couplets à boire du second acte et dans le trio avec le tuteur Bassi. Quant à Mlle Battu, elle chante les morceaux difficiles du rôle de Leonora avec le talent et la distinction de style que tout le monde lui reconnaît. Que n’a-t-elle, cette cantatrice d’un vrai mérite, un peu du souffle vital et de la nature heureuse et téméraire de Mlle Patti, qui vient de s’envoler d’ici pour aller enchanter les habitans et la cour de Vienne ! Ah ! si Mlle Patti, par sa belle voix stridente et flexible, par ses roucoulemens perfides, par ses grâces naturelles, par ses petites mines d’enfant espiègle, les charmes de sa personne et de son talent, pouvait adoucir le cœur des méchans et des sots qui gouvernent le monde, qui tyrannisent et oppriment les pauvres nations, que nous serions indulgent alors pour tous les petits péchés qu’elle a commis à Paris contre le goût et la musique des grands maîtres !

Le théâtre de l’Opéra-Comique, malgré le bonheur dont il jouit depuis deux mois avec les succès fructueux de la Dame Blanche et de Lalla-Roukh, a bien voulu modifier légèrement ses affiches et varier un peu nos plaisirs. En conséquence de cette noble résolution, il a produit le 11 février l’Illustre Gaspard imbroglio en un acte assez amusant, grâce au talent et à la verve de M. Couderc, qui est chargé du rôle principal. Il s’agit d’un célèbre voleur connu dans les fastes du crime sous le nom de Gaspard de Besse, qui jette la terreur dans les environs de la petite ville de Brignoles. Ce protée échappe à tous les pièges qu’on lui tend, et il fait trembler M. le chevalier de Cavailles, maire de Brignoles, qui ne sait à quel saint se vouer. Ce modèle des magistrats a une nièce qu’il ne veut pas donner en mariage à un certain Barlaudier, parce que celui-ci n’est qu’amoureux. L’intrigue se dénoue cependant par l’union de la nièce et de Barlaudier, qui a eu l’audace de pénétrer dans la maison du maire sous le vague, mais terrible soupçon qu’il était l’illustre Gaspard. Cette petite pièce absurde, mais assez ingénieusement intriguée, est de MM. Duvert et Lausanne, et la musique est le fruit peu original de M. Eugène Prévost, connu par un ou deux autres péchés de ce genre. C’est tout ce que nous pouvons en dire pour ne pas accuser M. Eugène Prévost d’être un imitateur servile des idées courantes. Le 21 février, le théâtre de l’Opéra-Comique a été bien autrement hardi ! Il a donné la première représentation d’un ouvrage en deux actes et en vers, s’il vous plaît, sous ce titre attrayant : la Déesse et le Berger. Le poème, c’est bien le cas de le qualifier ainsi, est de M Camille du Locle ; la musique a été écrite par M. Jules Duprato. Ce compositeur, lauréat de l’Institut, a débuté à l’Opéra-Comique, il y a quelques années, par un petit