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J’aime surtout le dessin ostinato de l’orchestre dans la première partie de ce duo. L’air de bravoure que M. de Flottow a écrit expressément pour Mlle Battu n’a rien qui le distingue des airs de bravoure ordinaires ; mais le finale du premier acte, avec les différens épisodes qui le traversent, est un morceau d’ensemble qui ne manque pas d’effet. Au second acte, qui est le meilleur des trois, on remarque le chœur des paysans romains, qui ne s’élève pas au-dessus du style de l’opéra-comique, et puis le duo bouffe que chantent les deux bravi, qui se retrouvent et se reconnaissent dans l’auberge de la Campanella. Ce duo ne manque ni d’entrain ni de piquant. Quant au finale du second acte, il est construit sur le même patron que les morceaux d’ensemble et dans un rhythme que M. de Flottow ne peut pas quitter. On remarque néanmoins dans ce finale la chanson à boire des bravi, dont les glu glu excitent l’hilarité du public, et surtout la ballade que chante Stradella sur la légende de Salvator Rosa qui termine le tableau :

In fondo agl’ Abruggi


l’andante de cette ballade est joli, et M. Naudin le chante à ravir. Le duo de Stradella et de Leonora qui ouvre le troisième acte n’a rien de remarquable ; le quatuor qui vient après n’est pas non plus d’un grand effet, et je préfère à ces deux morceaux le chœur des pèlerins auquel viennent s’enchaîner la voix de Stradella et celle de Leonora. Je ne dirai rien non plus du trio des trois hommes, et je ne signalerai plus que l’hymne religieux en l’honneur de la Vierge que chante Stradella :

O santa, o pia
Del ciel regina !


C’est une mélodie vague et sans caractère qui n’implique pas, il s’en faut de beaucoup, l’effet que le chanteur inspiré produit sur le peuple ému. Tel est cet opéra de Stradella, si populaire en Allemagne, ouvrage monotone et faiblement écrit, où l’on trouve quelques morceaux agréables qui ne suffisent pas à défrayer trois actes d’une fable niaise et dépourvue d’intérêt. Ni les idées, ni le style surtout de M. de Flottow ne révèlent un musicien original et fortement trempé. Il abuse de certains rhythmes dont la persistance engendre l’ennui, et son harmonie, qui module peu, se traîne sur une pédale inférieure dont le ronflement perpétuel assoupit l’oreille. Représenté sur un théâtre moins important que le Théâtre-Italien, Stradella, qui n’est après tout qu’un opéra-comique, aurait trouvé un accès plus facile auprès du public français, car nous sommes loin de méconnaître ce qu’il y a de grâce, de naturel et de motifs heureux dans la partition que nous venons d’apprécier. L’exécution de Stradella est assez soignée. M. Naudin, dont la voix de ténor, un peu gutturale dans le bas, contient quelques notes délicieuses dans le registre supérieur, chante avec passion et joue avec entrain le rôle principal. Il dit fort bien la sérénade du premier acte