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kilomètres par an, il nous faut trente ans pour la rejoindre. Quant à l’Angleterre proprement dite, la distance est infiniment plus grande, car M. Block a compris dans son calcul l’Ecosse et l’Irlande, qui n’ont que très peu de chemins de fer relativement à l’Angleterre.

Un tableau assez curieux, quoiqu’il n’ait qu’un rapport indirect avec le sujet principal, fait connaître la répartition des principaux cultes en Europe. Il en résulte que la moitié de la population européenne est catholique, et que le protestantisme et l’église grecque se partagent à peu près l’autre moitié.

J’arrête là mes citations, renvoyant pour le reste aux tableaux et aux cartes de M. Block. Il eût été impossible de le suivre dans les nombreux détails qu’il présente à l’appui. Disons seulement que personne n’est mieux informé que lui et ne suit de plus près la publication des documens statistiques dans toutes les langues de l’Europe.

L’ensemble de ces faits n’est pas encore de nature à nous inspirer de sérieuses alarmes. Les ressources exceptionnelles de notre territoire, l’esprit guerrier de notre race et notre organisation toute militaire, nous rendent et nous rendront encore longtemps formidables; mais il ne faut pas se dissimuler qu’en fin de compte, la force durable vient de la richesse et de la population. Si donc il était possible, sans trop réduire ce grand pied de guerre dont nous sommes si fiers, de développer un peu plus chez nous la population et la richesse, ou, ce qui revient au même, l’agriculture, l’industrie et le commerce, l’avenir deviendrait moins inquiétant. Si la France était peuplée comme la Belgique, elle aurait 85 millions d’habitans au lieu de 37, et sa puissance extérieure s’accroîtrait en proportion. Le vice capital, celui qui engendre tous les autres, c’est l’énormité du budget. Dans le court espace de dix ans, le total des dépenses publiques s’est accru de 50 pour 100 : il a passé de 1,500 millions à plus de 2 milliards 200 millions. Le budget spécial de la ville de Paris a subi dans le même laps de temps une progression encore plus forte : il a passé de 50 millions à 200 millions. C’est par ces plaies toujours ouvertes que s’échappe une grande part de notre force vitale. Tant que le budget conservera ces proportions, tout languira; les capitaux, au lieu de féconder l’agriculture et l’industrie, iront se perdre dans le gouffre des dépenses improductives, et la population, faute de ressources suffisamment croissantes, ne fera que des progrès insignifians.


L. DE LAVERGNE.