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L’homme n’est plus forcé de répandre le sang,
Et le plus humble outil vaut l’épée à présent.
Travaille ! c’est le cri que la mère nature
Redit sans se lasser à toute créature,
Et dans tout l’univers il n’est pas d’élément
Que le travail fécond n’agite incessamment.
L’action guérira ton cœur blessé qui pleure.
Debout! prends un outil!... Tu n’étais tout à l’heure
Qu’un fragile roseau par les vents agité;
A partir d’aujourd’hui, sois une volonté. »

Assis au pied d’un hêtre, ainsi pendant des heures
Il écouta monter ces voix intérieures.
Tout un temple d’erreurs dans son esprit croula.
Il lui sembla qu’un monde inconnu jusque-là
Ouvrait devant ses yeux de longues perspectives.
— La nuit se dissipait, les ombres fugitives
S’envolèrent, et l’aube à l’orient blanchit.
Dans un clocher lointain l’Angélus retentit.
O clairs sons, précurseurs de l’aurore vermeille,
A vos chants argentins la terre se réveille.
Aube du jour, tu rends les chansons à l’oiseau.
Le sourire à l’enfant couché dans son berceau ;
Salut, aube du jour! ta clarté, comme un phare,
Vers un monde nouveau va diriger Lazare.

Comme il s’en revenait, il entendit des voix
Chanter dans le chemin qui conduit au grand bois.
C’étaient des bûcherons qui partaient. A leur tête
Marchait Jean le flûteur, et leur fier chant de fête,
Soutenu par la flûte aux notes de cristal,
S’envolait emporté par le vent matinal.

« Voici les bûcherons, les francs coupeurs de chênes!
Par la neige ou la pluie ils font leur dur métier;
Dès que le jour commence, en route! Le gibier
Ne rôde pas plus qu’eux dans les forêts lointaines;
Leurs jarrets sont de fer, leurs muscles sont d’acier.
Voici les bûcherons, les francs coupeurs de chênes!

« L’arbre, dans le taillis comme un géant campé,
Au-dessus du chemin dressait sa grande taille ;
Son tronc large et noueux semblait une muraille...