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inévitable, de tout un mouvement auquel la révolution française a communiqué une redoutable puissance.

C’est une question grande comme le monde et qui est aujourd’hui concentrée à Rome; c’est la question de la souveraineté politique de l’église. Un homme assurément fidèle au saint-siège, de beaucoup de candeur, mais sans illusion, un ambassadeur de France, M. de Rayneval, entrevoyait la situation périlleuse que l’action du temps avait faite à la papauté en l’isolant. «Les dernières traces des anciennes souverainetés ecclésiastiques avaient disparu de l’Europe, dit-il; nos pères, accoutumés à ce spectacle, n’y voyaient rien de singulier. Aux yeux de la génération nouvelle, un gouvernement de cette espèce, resté seul au monde, devient une anomalie. » Non-seulement les souverainetés ecclésiastiques ont disparu, mais peu à peu, dans la plupart des pays, l’église a perdu ses propriétés, ses privilèges, ses juridictions, ses immixtions dans la vie civile, tout ce qui faisait d’elle une puissance publique associée, en quelque sorte à la souveraineté. Il n’est resté que Rome, où a survécu sous sa forme la plus absolue le principe de la confusion des deux pouvoirs, la théocratie dans la vie politique et civile, et d’envahissement en envahissement le flot de l’esprit moderne est monté jusqu’à Rome. Or, s’il est un pays qui représente le principe opposé de la séparation des pouvoirs, de l’indépendance mutuelle de la loi civile et de la loi religieuse, qui ait résisté pour maintenir cette distinction, n’est-ce point la France? Ce principe était l’essence même du gallicanisme; la révolution française est venue lui donner une extension plus grande, plus générale, et c’est ce qui fait que de toutes les révolutions elle est la plus universelle. Elle a été la grande affirmation de l’indépendance de la vie nationale, civile, intellectuelle. Et c’est à la France, qui a fait la révolution de 1789, qui a proclamé le droit des nations et l’indépendance de la vie civile, c’est à la France, si catholique qu’elle soit restée, que vous voulez demander de protéger ce qu’elle a détruit chez elle-même, de maintenir indéfiniment par les armes ce que ses idées et ses actes désavouent! Je ne sais en vérité ce que nous pourrions répondre aux Italiens, s’ils nous tenaient comme nation le langage que nous tient l’auteur d’un livre sur le Pouvoir temporel des papes, M. Giorgini. «Vous qui prêchez le respect du droit, dit-il, donnez donc l’exemple! Si la France est catholique, si tout ce qui afflige le saint-père l’afflige, donnez au saint-siège, qui se trouve dans des circonstances douloureuses, les consolations que vous pouvez lui donner tout de suite, facilement, parce que tout dépend de vous. — La France a des lois organiques qui vont contre le droit canonique, qui lèsent la liberté de l’église. Napoléon les fit approuver par le