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licisme, mais encore par le sens moral de ces événemens, et parce que c’est l’heure où se noue en quelque sorte le drame des destinées actuelles de la papauté. Ce qui est certain, c’est que dès ce moment, sous le coup même de ce retour de fortune de 1849, la souveraineté temporelle du saint-siège était placée dans cette alternative de chercher dans une énergique tentative de reconstitution et de réforme une force propre, un gage de durée, ou de ne vivre indéfiniment désormais que par l’occupation étrangère, c’est-à-dire par un fait qui était la négation de son existence comme pouvoir politique, le signe sensible de sa mort lente. Je voudrais préciser cette situation de 189 au point de vue de la France et du sens que prenait dans les esprits cette expédition qui ramenait le pape à Rome.

Il y a eu évidemment dès l’origine deux interprétations et comme deux politiques. Aux yeux des uns, c’était une restauration pure et simple, sans conditions, du pouvoir temporel dans l’intégrité de ses droits et de son omnipotence; c’était une affirmation à main armée de la souveraineté temporelle dans ce qu’elle avait de plus absolu, indépendamment des circonstances et des nécessités morales du temps. Des esprits ardens et intempérans, comme M. de Montalembert, tenaient même le pape en garde contre un retour de velléités trop réformatrices. « Si on voyait Pie IX profiter si peu de l’expérience douloureuse qu’il a faite, disait M. de Montalembert, et vouloir recommencer à courir les risques de la situation où il s’est déjà trouvé, si on le voyait rétablir, non pas même la liberté de la presse, non pas même la garde civique, mais seulement le pouvoir parlementaire que le motu proprio refuse, je dis humblement, sincèrement, que la confiance, la profonde et filiale confiance que nous avons en lui, serait alarmée. L’autorité personnelle du pape actuel serait ébranlée dans l’opinion des catholiques... » Mais en même temps que disait la politique française par l’organe même du ministre qui est encore appelé aujourd’hui à conduire nos affaires avec Rome, M. Drouyn de Lhuys, au moment où l’expédition s’engageait? « On se repose sur l’assurance que des forces étrangères ramèneront le pape dans ses états; mais songe-t-on à l’avenir qu’on lui prépare en le poussant dans ces voies funestes? Les leçons de l’expérience seront-elles donc toujours perdues?... Le respect que nous avons pour le saint-père ne nous permet pas d’admettre que les institutions qu’il avait données à son peuple aient été complètement annulées par les événemens... La pensée que le régime antérieur à 1846 se relèverait à Rome n’est jamais entrée dans nos prévisions ni dans nos calculs. Nous avons agi sous l’influence d’une tout autre conviction... » Et n’est-ce pas encore un ministre des affaires étrangères, d’un esprit aussi sincère qu’élevé,