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mise. Il ne vit pas que, puisqu’il bouleversait tout le système ancien et les souverainetés en Italie, il devait du moins se créer une force, se donner un peuple pour allié, et une des causes de sa catastrophe est dans ce mot, d’une simplicité éloquente, de Balbo : «Il tomba par cette seule erreur de n’avoir pas fondé sa puissance, au dedans sur la liberté, au dehors sur l’indépendance des nations, c’est-à-dire au dedans et au dehors sur l’attachement intéressé des peuples. » Supposez des conflagrations nouvelles éclatant aujourd’hui : le danger serait-il dans la puissance démesurée de l’Italie résultant de son unité ? Ne serait-il pas bien plutôt dans tout ce qui lui manque, dans ce qu’il lui reste à faire, et dans la faiblesse d’une crise de transformation? Le quadrilatère serait-il un plus grand péril entre les mains des Italiens qu’entre les mains des Autrichiens?

Ce qui arrivera de cette création d’une puissance nouvelle dans l’avenir, nul ne peut le dire assurément, et dans tous les cas l’Italie ne serait un danger, même avec son unité, que si la France s’abaissait et s’épuisait dans la décadence; mais ce qui n’est point douteux, c’est que pour le moment, et pour longtemps encore, la France est l’alliée naturelle de l’Italie, comme l’Italie est l’alliée nécessaire de la France, et les Italiens sont trop fins pour ne pas sentir que cette alliance est la condition inévitable des deux pays au milieu de tout ce mouvement qui agite aujourd’hui l’Europe. Qu’on jette donc un regard sur le continent : n’aperçoit-on pas partout l’effort des peuples, des nationalités qui aspirent à vivre, et l’effort des réactions qui luttent, qui se défendent contre la puissance des idées nouvelles? L’Italie a été reconnue diplomatiquement, il est vrai; mais les principes en vertu desquels elle existe sont-ils tellement en sûreté qu’il n’y ait qu’à changer de camp, à briguer toutes les alliances? Et pour la France elle-même, qui, par son instinct, par son génie, par une nécessité morale de sa situation, est la première engagée dans ces luttes, est-il indifférent d’avoir avec elle une puissance de plus, et une puissance efficace, alliée d’idées et de forces, intéressée à la victoire définitive d’une cause qui est celle du droit nouveau?

Je comprends : ce n’est pas dans une impossibilité intérieure d’organisation que l’Italie trouve le plus grand obstacle; ce n’est pas par une raison d’équilibre de puissance que la France est intéressée à ne pas laisser s’accomplir l’unité. C’est une question religieuse qui s’élève et qui domine la question nationale. Entre les Italiens et le dernier but de leurs aspirations, il y a la souveraineté pontificale, qui ne disparaît pas comme une couronne de grand-duc. L’unité peut presser de toutes parts cette frontière diminuée des états de l’église et enlacer de ses replis le vieux patrimoine de Saint-Pierre: elle ne peut aller jusqu’à Rome, parce que le pape y