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centrale devenait plus pressante, dépassant les vues de Villafranca et de Zurich, la France disait en somme à l’Italie : Voilà ce que je peux permettre, l’annexion de Modène et de Parme, l’autonomie de la Toscane avec un prince élu par le pays, l’administration séparée de la Romagne sous la forme d’un vicariat exercé par le roi Victor-Emmanuel. Dans ces limites, «la Sardaigne est sûre de m’avoir avec elle et derrière elle. » Dans toute autre hypothèse, l’Italie est libre, elle peut courir les hasards; mais elle ne doit compter que sur ses forces. La France revendique l’indépendance de sa politique dans des complications qu’elle n’aura pas à dénouer, puisque ses conseils auront été impuissans à les prévenir. — C’est le résumé de la dépêche que M. Thouvenel adressait le 24 février 1860 à Turin, après avoir négocié à Vienne l’inexécution du traité de Zurich.

Lorsque bientôt le royaume du midi était menacé par Garibaldi, la France faisait ce qu’elle pouvait pour détourner cette immense crise, pour sauver Naples après la Sicile perdue, pour étayer un trône qui « se fût infailliblement écroulé tout seul, » sans Garibaldi, selon une remarque récente de M. Thouvenel, et même après le dénoûment elle assistait de la présence de ses vaisseaux le roi François II jusque dans son dernier asile de Gaëte. A l’invasion soudaine de l’Ombrie et des Marches par le Piémont, elle opposait une protestation, et elle rappelait son ministre de Turin. Avant la guerre enfin, comme pendant la guerre et après la guerre, elle ne cessait de rappeler à l’Italie les engagemens et les intérêts qui l’avaient conduite à Rome, et qui l’y retenaient comme la gardienne de la sécurité du saint-siège. Il est donc vrai que politiquement, diplomatiquement, la France est libre, et qu’à côté de chaque événement il y a une réserve, une manifestation d’irresponsabilité, même quelquefois un désaveu ou une réprobation. Quel est le véritable sens de cette série d’actes ? C’est simplement de dégager l’indépendance d’action de notre politique, en faisant la part des responsabilités, en traçant une limite entre ce qui est notre œuvre, ce que nous garantissons et ce que nous ne garantissons plus; mais ce serait en même temps une étrange méprise de croire que parce que la France est sans engagement envers l’unité de l’Italie, elle n’est point liée moralement à ce vaste travail d’un peuple qui s’efforce de revivre en concentrant tous ses élémens de grandeur, qu’au-dessus de cette solidarité des faits et des procédés habilement déclinée pas à pas il n’y a point une solidarité supérieure d’idées, de tendances et d’intérêts généraux.

Elle existe au contraire, cette solidarité d’un ordre supérieur, dans l’émancipation contemporaine de l’Italie, et elle éclate partout, elle domine tout, je ne dis pas même depuis le jour où nos batail-