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que l’unité a été solennellement proclamée et mise en pratique, on ne peut plus revenir en arrière. L’Italie a goûté le fruit défendu, et plus jamais elle ne l’oubliera. Il n’est plus possible de se contenter d’une solution plus modeste; il n’est plus possible de se plier à un système de division et de séparation. Si par malheur cela arrivait un jour, vous pouvez, être certain que le jour suivant les mêmes aspirations se réveilleraient plus impétueuses. Ces années d’union laisseraient des regrets inexprimables. Les souffrances, les difficultés, les désordres survenus seraient entièrement oubliés. Dans toutes les parties de l’Italie, on ne ferait que célébrer comme une ère de gloire et de grandeur cette époque où les deux portions de la péninsule furent unies sous un même sceptre. Bien vite les regrets prendraient la forme de l’agitation. Toutes les imaginations travailleraient sur ce thème unique; toute l’activité nationale serait tournée vers ce but, et le pays se débattrait dans des convulsions pour retrouver son intégrité comme les membres coupés et palpitans d’un corps animé qui se cherchent pour se rejoindre. Que celui qui travaille à diviser l’Italie pense à ces tourmens; qu’il pense que l’Unité est cette fois l’acheminement à l’indépendance nationale, que cette indépendance n’est point encore atteinte, et que toute division morale ou matérielle rendrait l’entreprise impossible... » De telle sorte qu’à n’observer que les élémens politiques qui s’agitent au-delà des Alpes, l’unité, par l’impossibilité de toute autre combinaison aussi bien que par un entraînement mêlé de réflexion, est devenue aujourd’hui la forme inévitable de l’indépendance italienne, et il y a mieux même, selon la remarque récente d’un homme qui a dirigé la politique française, M. Thouvenel, elle est devenue, en se personnifiant dans une monarchie populaire, la seule condition d’ordre possible en Italie.

Ce qu’il y a de plus étrange, c’est que dans cette carrière où se forme une nationalité qui a eu la France pour premier et tout-puissant auxiliaire, dont la France a été à chaque pas la gardienne, la protectrice, et dont elle reste l’alliée, ce soit la politique de la France elle-même qu’on représente comme l’obstacle immuable contre lequel vient se briser l’unité de l’Italie. — C’est l’indépendance italienne, disent magistralement ceux qui ne suivent les événemens que pour les combattre, c’est l’indépendance italienne que la France est allée faire vivre par les armes et par l’appui de son influence, ce n’est point l’unité qu’elle est allée créer. L’indépendance de l’Italie est un intérêt français, l’unité est une contradiction des idées que nous avons portées au-delà des Alpes, de nos desseins et de notre histoire; c’est une diminution de puissance pour la France, et par les perspectives que laissent entrevoir ses aspira-