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à Naples qu’aux souffrances qu’on supportait à Milan, ceux qui auraient empêché la guerre s’ils avaient pu et qui la suivaient avec un redoublement d’anxiété quand elle avait commencé, ceux-là mêmes osaient à peine avouer leurs craintes, moins encore une hostilité, devant ce droit éclatant d’un peuple appelé aux armes et à l’affranchissement des Alpes à l’Adriatique. Puis le combat était engagé, et sous les plis de ce drapeau couvrant la renaissance ou l’avènement d’une nation les dissentimens se taisaient un instant. A mesure cependant que ce grand et généreux rêve d’une Italie indépendante devenait une réalité, et qu’à la guerre succédait ce mouvement en quelque sorte méthodique que M. l’évêque d’Orléans a un jour appelé, dans un excès de langage, « une suite misérable de nos victoires, » la question s’est étrangement compliquée, je l’avoue; elle s’est aggravée par le progrès même de cette émancipation intérieure et spontanée qui, en envahissant l’Italie entière, est devenue toute une révolution.

Au premier souffle de la guerre, des ducs grands et petits sont tombés sans gloire pour ne plus se relever, et ces ducs ont laissé sans doute des cliens, des serviteurs attachés à leur fortune. Des autonomies revêtues du lustre des souvenirs et des traditions, répondant au vieil instinct municipal, ont abdiqué devant la pensée supérieure d’une concentration des forces nationales, et ces autonomies, images de tout un passé, n’ont pu disparaître sans laisser des traces dans plus d’une intelligence. L’intégrité de la domination temporelle du saint-siège a été entamée, et l’instinct religieux du monde catholique est venu se jeter dans la mêlée : la question de la souveraineté pontificale a surgi. Le droit populaire, triomphant partout, a partout provoqué au combat le droit dynastique, historique et traditionnel, et c’est ainsi que s’est dessiné ce double courant : d’un côté, la transformation de l’Italie précipitant sa marche ou paraissant s’arrêter quelquefois, mais toujours fixe dans son but; de l’autre, tous ces intérêts lésés, froissés, se relevant pour tenter un dernier effort et se liguant instinctivement partout pour une défense désespérée. C’est ainsi que des victoires mêmes de la nationalité italienne est née cette coalition, dangereuse sans doute par la nature de ses élémens et par les auxiliaires qu’elle rencontre, assez forte pour susciter des obstacles, assez habile pour se faire une arme des hésitations ou des défaillances, mais assez aveugle pour ne point voir que, par des résistances plus bruyantes qu’efficaces, elle ne fait qu’aider à une destinée qui s’accomplit; c’est ainsi enfin que ce qui n’a été d’abord que le duel du sentiment national d’un peuple et d’une domination étrangère est devenu, sous les noms du pape, du roi de Naples, de l’Italie, une lutte de tous