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core dans un vote où il est question non plus de déplacer des ministres avec la politique qu’ils personnifient, mais de substituer des mots à des mots, elle ne réunira que cinq voix. Ainsi entendue, ainsi pratiquée, ainsi limitée, la discussion de l’adresse fait ressembler un corps politique à un de ces congrès scientifiques qui se réunissent ici ou là au temps des vacances, ou mieux à ces debating societies, à ces conférences où d’honnêtes et studieux jeunes gens s’exercent avec une émulation généreuse à l’art de Ja parole publique.

Nous ne sommes donc exaltés ni par les discours que nous venons de lire ni par les votes auxquels nous venons d’assister. Qu’on ne nous suppose point pourtant plus sceptiques et plus indifférens que nous ne le sommes en réalité. Nous avons pris l’habitude de nous contenter de peu, et ce peu, dont se nourrit notre abstinence, nous avons su le trouver encore dans les exercices dont le Palais-Bourbon vient d’être le théâtre. Nous y avons trouvé après tout la conservation d’une tradition qui a de quoi encourager nos espérances, la tradition de la discussion des grandes affaires du pays. Nous en avons remporté aussi une impression générale qui peut servir de matière à des réflexions sérieuses. Les débats de l’adresse s’étaient ouverts sous une influence favorable. Les paroles de liberté que l’empereur avait prononcées dans sa harangue aux exposans récompensés résonnaient encore à toutes les oreilles. Il semblait que de si hauts encouragemens dussent porter bonheur aux idées de liberté dans les premières délibérations de la représentation du pays. Nous aimions à croire que le discours de l’empereur serait comme un texte sommaire et fécond que les orateurs du gouvernement auraient à cœur de développer en amplifications éloquentes. Notre attente a été déçue, il est vrai ; mais notre déception est compensée par un double effet moral, piquant parce qu’il est imprévu, mais qui ne paraît point sans importance lorsqu’on songe à l’avenir du pays. Loin de nous la pensée de vouloir diminuer le mérite de MM. les ministres-orateurs ; nous devons même déclarer que le talent de MM. Baroche et Billault nous paraît d’autant plus digne d’être admiré que le cercle où il leur plaît de le déployer est plus resserré par les conditions de la politique dont ils sont les organes officiels ; mais nous ne dirons rien de désobligeant pour ces ingénieux et diserts avocats du gouvernement, si nous proclamons une vérité reconnue par tout le monde : c’est que l’empereur est plus libéral que ses ministres. La supériorité du libéralisme impérial sur le libéralisme ministériel est un fait qui a ressorti avec éclat de la dernière discussion de l’adresse. C’est l’empereur qui nous proposait naguère le grand exemple de la liberté anglaise ; cependant, lorsque des voix libérales revendiquent notre assimilation à l’Angleterre dans la liberté, les ministres-orateurs récusent la comparaison en oubliant qu’elle nous a été signalée comme le but et la récompense de nos efforts. C’est l’empereur qui a reconnu que nos institutions ont besoin d’être amé-