Page:Revue des Deux Mondes - 1863 - tome 43.djvu/991

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

communications qu’il avait faites à la Sublime-Porte. Ces dépêches contenaient l’ordre formel d’attaquer immédiatement les Zeïthouniens, et avant même d’avoir reçu la visite de M. Molinari, Aziz avait expédié à Djamis-oglou, chef d’une troupe armée sur la frontière, un courrier lui enjoignant d’entrer dans le pays des Arméniens et de commencer les hostilités. Djamis et ses bandes se dirigèrent aussitôt sur Alabach et surprirent les habitans pendant leur sommeil. Quarante-quatre maisons furent livrées au pillage; ceux qui tentèrent de se défendre chez eux furent impitoyablement massacrés. Les granges, garnies d’une abondante récolte, furent incendiées; des femmes et des prêtres furent égorgés, et des enfans jetés vivans dans les flammes.

La nouvelle des exploits de Djamis-oglou parvint bien vite à Marach. Aussitôt les imans coururent aux mosquées, en appelant les fidèles croyans à s’armer contre les chrétiens. On vit les musulmans de Marach parcourir la ville avec des drapeaux, tirer des coups de fusil sur les fenêtres des maisons habitées par les Grecs, les Arméniens et les Syriens, en proférant des menaces de mort. Pendant deux jours, la ville fut plongée dans la stupeur; les chrétiens, barricadés dans leurs habitations, n’osaient plus sortir, et ceux qui eurent l’imprudence de se montrer dans les rues furent assaillis par les Turcs à coups de pierre; quelques-uns perdirent la vie. Le premier moment d’effervescence une fois passé, les chrétiens se rassemblèrent et présentèrent au pacha une supplique où ils le conjuraient de les protéger contre les attaques de la populace musulmane. Pour toute réponse, Aziz ordonna à son téfinggi-bachi d’opérer le désarmement de tous les chrétiens. Le doute n’était plus possible. Les raïas comprirent que les affaires du Zeïthoun n’étaient qu’un prétexte, et que les Turcs avaient l’intention de renouveler à Marach les scènes de carnage de Deïr-el-Kamar et de Damas. Les millet-bachi prirent alors la résolution de s’adresser aux consuls de France et d’Angleterre, résidant à Alep, pour les supplier d’intercéder en leur faveur auprès du pacha de cette ville, et d’obtenir de lui qu’on envoyât à leur secours des troupes régulières.

Pendant que ces faits se passaient dans la ville, Aziz, qui avait rassemblé cinq mille bachi-bozouks, partit de Marach le jeudi 7 août 1862, afin de diriger en personne les opérations contre le Zeïthoun. Ayant franchi la frontière à Djihan-Kepru, il arriva le lendemain à Tchékerdéré, village chrétien de la confédération arménienne, et comme les habitans avaient fui à son approche, il en prit possession. Les bachi-bozouks enfoncèrent les portes des maisons, qu’ils pillèrent, et y mirent ensuite le feu. Enhardi par ce premier succès, Aziz marcha le jour suivant sur Alabach. Un engage-