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par les Zeïthouniens, parvint à se maintenir, après avoir lutté avec héroïsme, jusqu’à la retraite des Égyptiens, opérée en octobre 1840, à la suite des résolutions adoptées par le congrès de Londres. Quand les Turcs rentrèrent en possession des pachaliks de Marach et d’Adana, ils essayèrent d’amener par des négociations pacifiques la soumission des montagnards; mais la bonne entente ne dura guère, et une hostilité sourde contre les Ottomans persista jusqu’en 1862. C’est alors qu’un conflit suscité entre deux villages musulmans sur leur territoire les mit de nouveau en présence même des Turcs.

Voilà l’histoire des montagnards arméniens jusqu’aux derniers massacres; voici maintenant leur curieuse constitution. Ils ont profité de leur longue indépendance pour se donner un gouvernement républicain dont la forme a toujours été conservée intacte. Quatre notables, avec le titre de princes (ichgh’ans), sont chargés de l’administration de la confédération. Leurs attributions consistent à rendre la justice, à apaiser les différends et à percevoir l’impôt personnel (salian), dont le produit est affecté d’une part à l’entretien et à la réparation des églises et des monastères, de l’autre à payer le tribut au pacha de Marach ; ce tribut n’étant jamais acquitté, les ichgh’ans se l’attribuent et en disposent à leur gré. Le patriarche de Sis, l’archevêque de Zeïthoun et le clergé arménien en reçoivent leur part. Les princes se rassemblent en conseil, à des époques déterminées, pour traiter les affaires de la confédération et fixer le taux de l’impôt. La présidence de ce conseil appartient de droit à l’archevêque de Zeïthoun, dont la voix en cas de partage est prépondérante. Outre leurs fonctions gouvernementales, les princes sont placés chacun à la tête de l’un des quatre quartiers de la ville, en qualité de cadis ou maires. Les autres villages arméniens et turcomans de la confédération ont pour chefs des kaïa ou vicaires chargés de l’administration; ces derniers sont nommés par les princes, qui exercent sur eux leur surveillance. Les kaïa étant choisis parmi les notables des villages, il s’ensuit que les villages arméniens ont un kaia chrétien, et les villages turcomans un kaia musulman. L’archevêque de Zeïthoun, qui préside le conseil des princes, n’a point à s’occuper des affaires civiles de la confédération, et en cela son rôle est semblable à celui que le patriarche de Constantinople remplit dans le conseil civil de la nation. Sa juridiction ecclésiastique s’étend, en dehors du territoire de la confédération, sur quelques villages chrétiens du voisinage; mais elle est peu importante, car le Zeïthoun ne compte guère que de vingt à vingt-cinq églises ou paroisses, et encore est-ce dans le chef-lieu de la confédération que se trouvent les principales. Trois couvens, occupés par des religieux dépendant du monastère patriarcal de Sis, existent sur le territoire zeïthounien : l’un est