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plus avant. Je demandai à voir un de leurs chefs ; il me fut répondu que les uns étaient absens de la ville et les autres partis pour un long voyage. J’insistai, mais tout fut inutile : j’avais vu du territoire zeïthounien juste ce que l’on voit de la Vénétie, lorsqu’arrivé à la douane autrichienne de Peschiera, on s’aperçoit qu’on a oublié ou perdu son passeport. Force me fut de m’en tenir aux informations des moines de Sis, qui heureusement me furent prodiguées sans réserve.

L’origine de la confédération zeïthounienne ne soulève aucun doute ; elle doit son existence à l’anéantissement par les Égyptiens, dans la seconde moitié du XIVe siècle, du royaume arménien fondé en Cilicie par la dynastie roupénienne dès 1085. Aussitôt après l’occupation de la Cilicie par les armées du sultan du Caire, beaucoup d’Arméniens qui avaient échappé aux massacres et à la transportation, ou qui n’avaient point fait partie de la population émigrante à cette époque, se retirèrent dans les montagnes. Peu après, ils rejoignirent leurs compatriotes déjà réfugiés sur des points inaccessibles, et particulièrement dans les chaînons où sont maintenant établis les Zeïthouniens. Retranchés dans de bonnes positions, qui leur offraient un abri assuré contre les attaques des musulmans, ils parvinrent à s’y maintenir en dépit des Égyptiens, dont ils eurent souvent à repousser les agressions. Quand les Turcs ottomans s’emparèrent de la Cilicie, les Arméniens, qui n’avaient point à gagner à ce changement, continuèrent de demeurer dans leurs retraites. Les dérébeys turcomans et yourouk qui, sous l’autorité à peu près nominale de la Porte, gouvernaient despotiquement la montagne et la plaine, conjointement avec les agas de la puissante tribu d’El-Ramadan-oglou, maîtres d’Adana et des principales villes de la Cilicie, firent quelques tentatives pour réduire les Arméniens du Taurus. N’ayant pu réussir à les soumettre, ils se contentèrent de leur imposer un tribut dont les Zeïthouniens trouvèrent toujours moyen de s’affranchir.

En 1835-1836, le généralissime des armées de Méhémet-Ali, vice-roi d’Egypte, qui avait conquis sur les Turcs la Syrie et la province d’Adana, voulut aussi réduire à l’obéissance les Turcomans de Khozan-oglou et les Arméniens du Zeïthoun. Dans ce dessein, Ibrahim-Pacha envoya contre eux un régiment albanais et quelques pièces de montagne, avec ordre d’envahir leur territoire et de s’y établir; mais la colonne égyptienne, étant arrivée aux défilés qui conduisent dans les cantons indépendans, fut arrêtée tout à coup par une avalanche de rochers qui intercepta l’entrée des passages, et elle dut revenir sur ses pas en abandonnant sur le terrain beaucoup de morts et son artillerie. Malgré les efforts d’Ibrahim pour soumettre les montagnards, il ne put y réussir. Khozan-oglou, secondé