Page:Revue des Deux Mondes - 1863 - tome 43.djvu/975

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Saint-Lazare de Venise, fondée au commencement du XVIIIe siècle par l’Arménien Mékhitar de Sébaste, et dont les membres ont rendu tant d’éclatans services à la nation arménienne et aux sciences historiques. C’est aux presses des mékhitaristes de Venise que l’on doit de connaître aujourd’hui ces innombrables productions de la littérature ancienne et moderne de l’Arménie, c’est de là que sont sorties ces éditions des auteurs historiques et classiques qui ont ouvert un champ si vaste à la carrière de l’érudition. Ce sont les mékhitaristes qui ont répandu en Europe et parmi leurs compatriotes le goût des études arméniennes en fondant l’académie de Saint-Lazare, dont les membres ont fait passer dans leur idiome les chefs-d’œuvre de la Grèce et de Rome, ainsi que les principaux ouvrages littéraires de la France, de l’Allemagne et de l’Angleterre. Cet élan n’a pas peu contribué à réveiller chez les Arméniens de la Turquie, notamment dans les colonies de Constantinople, de Smyrne et des grands centres voisins, le sentiment de la nationalité et celui des droits politiques. La presse arménienne, dont les premiers essais sont dus à un mékhitariste de Venise, s’imposa le devoir de travailler à la régénération des provinces, plongées dans une profonde ignorance par suite de l’oppression ottomane. Depuis le commencement de ce siècle jusqu’à notre époque, les Arméniens ont publié plus de cinquante journaux ou recueils, dont la plupart sont répandus en grand nombre dans les masses, en même temps que des livres classiques et des traductions des meilleurs ouvrages des littératures anciennes et modernes. Les écrits de nos grands penseurs lus et médités par les Arméniens lettrés, la fréquence des communications que les lignes de bateaux à vapeur ont établies entre les ports de l’Europe et les rivages de l’Asie, les liens de confraternité de race qui unissent les Arméniens aux Européens, comme eux issus de la grande famille arienne, ont fait naître dans l’esprit des gens éclairés de la nation des idées de progrès dont il serait impossible de méconnaître les résultats. Les premières tentatives pour l’établissement d’un conseil national civil, les derniers événemens survenus à Constantinople au sujet de la constitution arménienne de 1860, l’insistance des patriotes à solliciter de la Porte la mise en vigueur de ce statut, tout annonce qu’une transformation radicale s’opère en ce moment dans l’esprit du raïa arménien, et qu’elle amènera des changemens importans dans son état social. Le développement d’un tel germe dans un empire dont les destinées intéressent si vivement l’Europe mérite bien quelque attention.

L’organisation civile des Arméniens sujets de l’empire turc a pris naissance lors de la conquête de Constantinople par Mahomet II, en 1453. Lorsque le futur vainqueur de Byzance était encore à Brousse,