Page:Revue des Deux Mondes - 1863 - tome 43.djvu/972

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

restaient, ce qu’ils sont encore aujourd’hui, purs dans leurs mœurs malgré le contact des oppresseurs, graves et sévères en présence de la futilité et de la licence orientales, maintenant enfin pour assises constantes de leur civilisation chrétienne le respect de la femme, l’intégrité de la famille, et l’absence des vices communs à l’Orient. Race indo-européenne, ils savaient plier à cent applications diverses une intelligence active et flexible, et leur génie commerçant ou industrieux persistait dans tous leurs établissemens sans s’écarter de la probité et de la justice ; les Turcs ont mauvaise grâce à leur reprocher aujourd’hui l’astuce : si parfois elle existe chez les Arméniens qui leur sont soumis, elle est le témoignage d’une odieuse oppression, et c’est l’oppresseur qui en est coupable.

Les contrées occupées de nos jours par les populations et colonies arméniennes présentent une longue zone partant du nord-ouest, se dirigeant au sud-est, et embrassant en longueur, depuis la Galicie jusqu’à Java, qui en marquent les deux points extrêmes, un espace d’environ 12,000 kilomètres. Cette zone, fort étroite à ses extrémités, est coupée par des intervalles plus ou moins longs, où toute trace de population arménienne disparaît. Toutefois plus elle tend à se rapprocher de l’Ararat, point central autour duquel était groupée autrefois la race d’Haïg, plus elle gagne en largeur, surtout en traversant les anciennes provinces de l’Arménie. De ce point central partent aussi de grands rameaux qui se prolongent au nord et au sud en suivant différentes directions. Au nord, les principaux aboutissent dans la Transcaucasie, et après des intervalles assez longs on rencontre des groupes arméniens fixés en Crimée, à Astrakhan, à Moscou, etc. Au sud, d’autres rameaux s’étendent jusque dans la Syrie, la Palestine et l’Egypte.

Depuis le commencement de ce siècle, d’importantes modifications se sont opérées dans l’état politique des Arméniens qui ont continué à résider sur le sol de leur ancienne patrie. L’Arménie, d’abord partagée entre deux puissances musulmanes, la Turquie à l’occident et la Perse à l’orient, est actuellement soumise à trois gouvernemens. Une notable partie de l’Arménie persane a été en effet, il y a plus de trente ans (1828-1829), réunie aux possessions de la Russie en Asie à la suite des glorieuses campagnes du maréchal Paskévitch. Les Arméniens sujets de l’empereur de Russie ont conservé leurs privilèges, et jouissent, dans toutes les provinces où ils sont établis, d’un grand bien-être et d’une sécurité parfaite. A Érivan, à Tiflis, à Moscou, à Saint-Pétersbourg, quelques-uns d’entre eux occupent des emplois élevés dans l’ordre civil et militaire. Les noms des princes Béboutof, Argoutinsky-Dolgorouki, Madatof, ceux des membres de la famille Lazaref, ont acquis une