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moment où l’invasion arabe vint mettre fin à l’empire des Sassanides. Pendant cette guerre séculaire, les Arméniens, sous la conduite de leurs satrapes, avaient opposé à toutes les forces de leurs ennemis une résistance opiniâtre. Cherchant à défendre pied à pied les derniers boulevards de leur indépendance, ils n’avaient cependant pu empêcher les Perses de transporter en masse dans le Mazandéran, le Khorassan, à Nichapour et dans le Khouzistan, les habitans des villes et des provinces qu’ils avaient conquises et dévastées.

En disparaissant, les monarques sassanides laissèrent aux Arabes le soin de continuer en Arménie l’œuvre de la destruction. L’islamisme, qui venait de faire, avec ces nouveaux envahisseurs, son apparition dans l’Asie occidentale, avait tout à coup révélé sa puissance par les conquêtes rapides de ses fanatiques adhérens. Pénétrant à la fois par plusieurs points dans l’ancien royaume d’Arménie, les musulmans achevèrent de ruiner et de dépeupler le pays. Des milliers de familles, qui refusèrent d’embrasser la foi de Mahomet, furent transportées en Palestine, en Syrie, en Arabie, en Égypte et dans la Babylonie. L’Égypte à elle seule reçut pour sa part trente mille captifs.

Si l’Arménie se dépeuplait en allant grossir le nombre des populations établies dans les provinces de l’empire musulman, la politique de la cour de Byzance tendait de son côté à profiter de cette situation en attirant les Arméniens au centre même du domaine impérial. Déjà, depuis le partage de l’Arménie entre les Perses et les Grecs dans la seconde moitié du IVe siècle, ces derniers faisaient tous leurs efforts pour s’assimiler les Arméniens. La communauté de croyance semblait devoir faciliter ce rapprochement. A la suite du concile de Chalcédoine, en 452, dont les décisions devaient donner naissance à des dissidences si tranchées entre les chrétiens, une foule d’Arméniens furent contraints d’embrasser le rit grec, et, afin de faire disparaître chez eux à la fois les traditions de l’église primitive et l’esprit de nationalité, les Byzantins encouragèrent leurs émigrations à Constantinople, dans la Macédoine, l’Epire et la Bulgarie. Bien plus, Justin II, parvenu au trône, croyant s’apercevoir d’un ralentissement notable dans la marche de l’émigration, ordonna de transporter par la force la population arménienne de Mélitène dans les provinces occidentales de l’empire. Ces nouvelles recrues vinrent fortifier les colonies, déjà considérables, de Constantinople et de la Thrace.

En s’implantant sur les terres du domaine impérial, les Arméniens y prirent peu à peu d’assez grands développemens, et au Xe siècle ceux qui habitaient l’Asie-Mineure et les provinces orientales de l’Europe avaient acquis déjà dans ces contrées une influence consi-