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que les précédentes générations lui ont léguée. Naguère encore les mots de métropole et de colonie éveillaient les idées de domination égoïste et de dépendance absolue; la plupart des nations chrétiennes encourageaient la traite des nègres et consacraient l’esclavage ; la conquête pesait comme un joug sur des races inoffensives que le hasard et la force avaient livrées à l’insatiable ambition de l’Europe. Les cris d’humanité et de justice que ce spectacle arrachait à quelques philosophes étaient étouffés sous la voix des plus vulgaires intérêts; les réclamations que de rares esprits osaient élever, au nom de ces intérêts mêmes, contre la politique coloniale des XVIIe et XVIIIe siècles, étaient traitées de rêves et de chimères. Que voyons-nous aujourd’hui? L’esclavage expire, l’ancienne tyrannie des métropoles se détend; on respecte les colons et on protège les indigènes. Autrefois les métropoles ne s’attribuaient que des droits; elles reconnaissent maintenant qu’elles ont des devoirs. C’est toute une révolution dans le système. Certes on doit premièrement en faire honneur aux sentimens de liberté et d’humanité qui, depuis cinquante ans, se sont répandus en Europe; mais il serait injuste de contester la grande influence qu’ont exercée sur la colonisation les idées plus saines que la science économique a professées et propagées. Les théories d’Adam Smith et de ses disciples sur la liberté du travail et du commerce ont enfin triomphé de l’inattention, des préjugés et des dédains. Partout où on les applique, elles donnent l’essor au progrès matériel et moral et à l’avancement politique des sociétés. Attachons-nous donc fidèlement à leur drapeau. Les voici qui, après s’être emparées des métropoles, traversent les mers et visitent les colonies les plus lointaines. C’est par elles que la civilisation, qui suit volontiers la richesse, se répandra plus rapidement sur toute la surface de la terre.


C. LAVOLLEE.