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conquises; car, bien que la colonisation en général ait fait de grands progrès, on est loin de toucher le but : nous voyons la France chercher et ne pas trouver encore un système de colonisation pour l’Algérie, qu’elle occupe depuis plus de trente ans!

Si les idées que nous avons exposées sur l’ensemble de la colonisation sont exactes, on sera bien forcé d’admettre que la mise en pratique n’en peut être confiée qu’à des hommes éclairés et compétens. Il ne suffit pas que le gouvernement métropolitain apprécie sainement les intérêts et les besoins d’une population coloniale : il faut encore et surtout que ses instructions soient provoquées avec intelligence et exécutées avec discernement. Il y a des métropoles qui comprennent cette nécessité, et qui, en accordant une rémunération très élevée aux fonctions coloniales, ne confient celles-ci qu’à des agens d’un mérite éprouvé; il est douteux qu’aucune administration en Europe soit supérieure, en probité et en talens, à l’administration des Indes anglaises ou à celle de Java. Il y a d’autres métropoles où le service dans les colonies est considéré comme un exil, infligé même comme une disgrâce. Ainsi en Espagne, pour ne citer qu’un seul exemple, quand on veut éloigner un fonctionnaire politique devenu gênant, on le déporte dans l’administration des îles Philippines. Ce n’est point pour cela que sont faites les colonies, et l’on se figure aisément ce qui doit résulter de pareils abus Les bons fonctionnaires dans une province lointaine sont plus nécessaires que les bonnes lois : toute métropole qui délègue à un agent improbe ou incapable une part quelconque de son autorité dans la colonie commet une faute grave vis-à-vis d’elle-même, et presque un crime contre les colons.

Elevons même nos regards plus haut, et considérons à son tour le gouverneur, le vice-roi, qui tient toute la colonie sous sa main. En Angleterre et en Hollande, ces pouvoirs redoutables sont remis aux personnages politiques les plus éminens, que l’on prend indistinctement dans le service militaire ou dans le service civil. En France et en Espagne, les fonctions de gouverneur d’une colonie sont confiées le plus ordinairement à des officiers supérieurs ou généraux; le gouvernement de l’Algérie a de tout temps été conféré à une illustration militaire. En un mot, ici l’administration coloniale appartient en principe à des officiers, là elle est le plus souvent déléguée à des fonctionnaires de l’ordre civil. Si nous relevons cette différence, ce n’est assurément pas pour nous associer aux déclamations qui traînent partout contre ce qu’on appelle le régime du sabre, ni pour répéter un plat lieu-commun qui n’est souvent qu’une gratuite injure adressée à de grands et illustres services; mais, nous le demandons sincèrement, étant proposés les problèmes dont nous