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comme les métropoles dans le courant des principes économiques qui recommandent la liberté des échanges. Aussi, tandis qu’autrefois toute disposition concernant les colonies était une restriction, une entrave nouvelle, nous voyons aujourd’hui les lois et les règlemens procéder dans le sens contraire. Pendant trois siècles, on a pensé que le principal avantage à retirer d’une colonie était la permanence d’un marché privilégié pour les fabriques de la métropole; on a sacrifié tout à cette pensée en s’attachant à favoriser premièrement les exportations de la mère-patrie, au risque de frapper dans sa source, c’est-à-dire dans son prix de revient, la production coloniale. La doctrine moderne considère que l’avantage le plus précieux que présente une colonie, c’est de procurer à l’industrie et à la consommation des métropoles la plus grande quantité de denrées et de matières premières ; elle s’applique donc à développer d’abord la production de la colonie, pour que celle-ci, devenant plus riche, créant plus abondamment la richesse destinée à l’échange, puisse demander en même temps une plus grande quantité d’articles manufacturés et offrir un débouché plus large aux fabriques métropolitaines. C’est là, sans contredit, le meilleur système, et il est aisé de prévoir que dans un prochain avenir il sera partout adopté. Si l’on veut se rendre compte du progrès qui s’est opéré à cet égard dans la législation française, que l’on se rappelle les luttes ardentes auxquelles a donné lieu, en 1851, la discussion de la loi sur le régime douanier de l’Algérie : que de protestations, que de clameurs contre cette loi de justice et de bon sens! Eh bien! dix ans après, en 1861, nous avons vu déchirer sans difficulté le pacte colonial et proclamer le principe d’émancipation commerciale pour nos possessions d’outre-mer. La réforme n’est point complète, il reste encore quelques débris de l’ancien ordre de choses; mais le coup décisif a été porté, et il n’est pas douteux qu’après l’exemple donné par l’Angleterre et par la France, les autres métropoles, l’Espagne, les Pays-Bas, le Portugal, ne tarderont pas à décréter la liberté du commerce dans leurs colonies.

Est-il besoin de démontrer les avantages que doit procurer la solidarité établie ou plutôt rétablie, selon la loi naturelle, entre tous les marchés du monde? En premier lieu, il est infaillible que l’agriculture coloniale s’étendra du moment qu’elle ne sera plus enchaînée dans les liens du monopole et qu’elle pourra vendre partout ses récoltes. Ce n’est point là une théorie, c’est un fait déjà consacré par l’expérience. Java, la terre classique du monopole, a vu sa production s’accroître notablement à mesure que le commerce libre a été appelé à prendre une plus grande part à l’exploitation agricole et commerciale des possessions hollandaises, concurremment avec