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ment que pour remplacer les services matériels qu’il rendait à la culture tropicale. C’est aux populations surabondantes de l’Inde et de la Chine que les métropoles vont demander les travailleurs dont elles ont besoin depuis que la suppression de la traite et l’émancipation ont tari la source de l’esclavage africain. Les îles de Maurice et de Bourbon ont profité les premières de cette voie nouvelle qui leur a été ouverte : les Antilles et les Guyanes ont suivi leur exemple, et il n’y a plus qu’à régulariser le courant d’immigration qui s’est établi sous le contrôle des gouvernemens.

Tels sont les moyens qui, dans les différentes colonies, permettent d’assurer et de développer la production, soit en attirant l’émancipation européenne, soit en tirant parti des populations indigènes, soit enfin en puisant dans l’immense réservoir des populations asiatiques les instrumens de travail. Grâce aux facilités toujours croissantes de la navigation entre les régions les plus éloignées les unes des autres, les transports de colons et de travailleurs sont devenus peu coûteux, et malgré la suppression de l’esclavage il n’y a plus à craindre que les bras manquent au sol partout où le capital juge à propos de se consacrer à l’exploitation coloniale; mais tous ces moyens, tous ces efforts demeureraient stériles, si le régime commercial ne favorisait pas à la fois et le capital et le travail, en leur procurant des marchés pour l’échange de leurs produits. C’est ce qui fait que la législation douanière concernant les colonies a de tout temps été l’objet des études les plus sérieuses et des plus ardentes controverses.


III.

Le régime commercial des colonies européennes a été, dès l’origine, fondé sur le monopole, c’est-à-dire que la mère-patrie s’attribuait le droit exclusif d’acheter à la colonie les matières premières et de lui vendre les articles manufacturés. Par ce moyen, comme elle écartait toute concurrence, elle pouvait acheter à bon marché et vendre cher. Le monopole exercé par la mère-patrie était souvent doublé d’un autre monopole exercé par des compagnies particulières. Le commerce lointain exigeant une grande masse de capitaux, et comportant des risques que n’aurait point affrontés la spéculation privée, on jugea nécessaire d’encourager la formation de compagnies pour exploiter le trafic colonial à l’abri de toute concurrence, même d’une concurrence nationale. Il en résulta que non-seulement le monopole était d’autant plus dur pour les colonies qu’il se trouvait concentré entre un moins grand nombre de mains, mais encore qu’il se retournait contre la métropole elle-même, obligée de