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et que par cela seul la terre est en vente, il obtient la préférence sur tous autres acheteurs, s’il veut acquérir le terrain qu’il occupe en payant le prix fixé. Cette combinaison, qui a produit en Australie de bons résultats et qui a contribué à y créer une grande richesse pastorale, aboutit dans tous les cas à la vente; elle entretient pour ainsi dire des acheteurs surnuméraires qui se voient nécessairement entraînés vers la propriété, et elle fournit une race particulière et bien précieuse de futurs colons.

La constitution régulière et définitive de la propriété, la délimitation exacte des domaines, tels sont les principaux avantages du système de vente appliqué dès le début de la colonisation. Lorsque les métropoles européennes se sont trouvées en présence d’une nombreuse population indigène déjà établie sur les territoires qu’elles avaient occupés ou conquis, par exemple au Mexique, au Pérou, dans les Indes, et plus récemment en Algérie, elles ont ordinairement maintenu le régime territorial tel qu’il était organisé avant leur prise de possession. Rien de plus facile que de respecter les traditions anciennes et de conserver les principes et les usages consacrés par le temps; rien de plus hasardeux, surtout pour une autorité nouvelle, que de toucher même légèrement aux assises de la propriété. Enfin, comme la plupart des législations américaines et asiatiques attribuaient aux souverains la propriété absolue du sol et aux sujets un simple droit d’usufruit, les métropoles ont cru trouver leur profit à se substituer purement et simplement aux pouvoirs qu’elles venaient de déposséder et à hériter de leurs prérogatives. Cependant, il faut bien le dire, cette politique conservatrice a été le plus souvent contraire aux progrès de la colonisation. D’une part, l’ancienne population indigène, ne cultivant le sol qu’en vertu d’une faculté d’usufruit qui peut être arbitrairement taxée, modifiée ou retirée, ne travaille qu’au jour le jour, sans fixité, sans esprit de suite. D’autre part, cette incertitude dans l’état de la propriété et dans l’étendue des terres disponibles crée de graves difficultés à l’établissement des immigrans européens. Cet inconvénient se produit surtout dans les contrées où, comme en Algérie, la population indigène a les habitudes de la vie nomade, parce que là chaque tribu s’approprie plus de terre qu’il ne lui en faut, et que l’excédant est ainsi enlevé au travail utile. Il semble donc que dans ces colonies mixtes comme dans les colonies peuplées presque uniquement d’Européens les métropoles devraient se dépouiller sans hésitation de la toute-puissance territoriale, introduire le mécanisme du cadastre, reconnaître aux familles indigènes un droit absolu sur le sol qu’elles sont en mesure de cultiver, en un mot organiser définitivement la propriété. Cette tâche est assurément délicate et difficile; mais si l’exé-