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point rechercher les agrandissemens extérieurs. Ce serait de leur part un faux calcul que de dépenser au dehors les forces dont ils ont l’emploi chez eux. Pour l’Allemagne, si, tout en envoyant dans les deux Amériques de nombreux colons, elle ne possède point de colonies, cela tient uniquement à sa situation méditerranéenne. La mer lui manque, et elle se voit, à son grand regret, éloignée des entreprises coloniales.

Au point de vue commercial et maritime, si le régime des colonies modernes ne réserve plus aux métropoles le profit exclusif des échanges, si les Américains et les Allemands, par exemple, peuvent trafiquer dans une colonie anglaise presque aussi librement que les Anglais eux-mêmes, l’expérience démontre que, par le fait, les métropoles conservent, dans les contrées soumises à leur tutelle, une situation réellement privilégiée. La communauté de race, l’ancienneté et la permanence des rapports établis, la similitude des mœurs et du langage, leur assurent en général la première place sur les marchés de leurs colonies. Les profits directs et indirects qui résultent de cette activité commerciale compensent, et au-delà, les frais d’administration, qui ne pèsent en apparence que sur les métropoles au bénéfice des concurrens. S’il en était autrement, on ne verrait point s’accomplir les réformes libérales qui font disparaître les monopoles, car en pareille matière ce ne sont point les principes, ce sont les intérêts qui inspirent le législateur, et les métropoles n’ouvrent aux étrangers l’accès de leurs colonies que parce qu’elles y trouvent d’abord leur compte.

Après avoir répondu en termes généraux aux adversaires de toute entreprise coloniale, il nous reste à examiner deux questions très complexes qui ont vivement préoccupé les plus sincères partisans de la colonisation. Comme il est impossible de fonder et d’entretenir un établissement lointain sans une exportation plus ou moins considérable de population et de capital, on s’est demandé quel est pour la métropole le résultat de cette double exportation? Y a-t-il là une déperdition de forces productives ou un accroissement de richesse? L’émigrant qui abandonne la mère-patrie pour aller chercher fortune au dehors lui cause-t-il un préjudice soit temporaire, soit permanent, en la privant du concours de ses bras et en déplaçant son capital? ou bien, par cet exil volontaire, lui procure-t-il un soulagement, quelquefois même un profit immédiat, et dans tous les cas lui ouvre-t-il pour l’avenir de nouvelles sources d’enrichissement? La science économique, qui a l’ambition très louable de ramener à des principes généraux tous les faits appartenant à son domaine, s’est fort ingéniée à la recherche d’une théorie sur l’émigration. Elle n’a point encore trouvé, il est probable qu’elle ne