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Ces bureaux, autant de grandes salles, qui reçoivent généralement le jour d’un plafond de verre, et qui ressemblent un peu à des églises, se distinguent surtout par une volumineuse collection de gros registres, connus en style administratif sous le nom de transfer books. Il m’a été permis de consulter ces livres vénérables qui représentent une branche si importante de la fortune publique en Angleterre. Ce qui étonne, c’est à la fois l’ordre et la simplicité du travail, si l’on réfléchit surtout à l’étendue des transactions. La moitié de la dette publique change de main à diverses reprises. On a vu dans un seul jour jusqu’à deux mille cinq cents transferts ; la moyenne est néanmoins de cinq cents. Un fait ajoute encore beaucoup à la complication de ces mouvemens, c’est que chaque porteur de fonds publics (stock-holder) peut ne vendre qu’une partie et même une très faible partie de son inscription. Il n’y a presque point de limite à la subdivision et au morcellement de ces créances sur l’état ; je me trompe, il en est une : nul ne peut ouvrir un compte sur le grand-livre pour moins d’un penny. Très peu profitent, il est vrai, de l’extrême latitude laissée sous ce rapport aux négociations des effets publics ; on trouve pourtant des individus qui ne possèdent que 2 ou 3 souverains dans un stock, et l’on avouera qu’il est difficile de devenir rentier à moins de frais. Le nombre des personnes intéressées dans les fonds publics était en 1859 de 268,990 ; mais rien ne s’oppose à ce que ce même nombre se trouve doublé dans quelques années. Il serait téméraire de vouloir spécifier tous les usages auxquels répondent ces achats de fonds publics : pour beaucoup, c’est un placement comme un autre, seulement plus sûr ; quelquefois aussi c’est un cadeau qu’un marchand économe et prévoyant fait à l’une de ses filles pour fêter l’anniversaire de sa naissance (birth-day). On s’est également servi de ce moyen pour placer à petit bruit une somme d’argent sur la tête d’un enfant illégitime ; cette forme de don, qui a le mérite d’éviter en pareil cas le scandale des actes notariés, ne présente qu’un seul inconvénient : si l’enfant vient à mourir, la rente et le capital meurent avec lui. Quelles que soient d’ailleurs les innombrables éventualités auxquelles se prêtent la vente et l’achat des fonds publics, il est facile de se convaincre que la majorité des transactions porte sur des sommes assez faibles.

Pourquoi achète-t-on des fonds publics sinon pour en recevoir les intérêts ? Aussi le paiement des rentes constitue-t-il une des branches les plus essentielles qui se rapportent au management de la dette nationale. Les dividendes sur tous les fonds anglais sont payés deux fois par an, soit en janvier et en juillet, soit en avril et en octobre. Je suppose l’heureux jour arrivé, le rentier (stock-holder) se présente dans une grande salle où les lettres de l’alphabet, peintes à l’encre noire, se dessinent en vigueur sur les murs. La