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essentielles d’une bank-note, et aussi longtemps qu’ils survivent, le billet n’est point détruit. Dans le cas même où l’un de ces précieux chiffons de papier viendrait à disparaître entièrement, la personne qui a conservé de mémoire ou par écrit le numéro du billet peut encore se présenter devant les bureaux de la Banque : là on consulte un livre qu’on m’a montré et qui contient en quelque sorte le signalement exact de chaque billet tiré dans l’imprimerie. Si le résultat de ces recherches est favorable au réclamant, il peut recevoir une autre bank-notes, tout en offrant des garanties de solvabilité personnelle pour le cas où le billet considéré comme anéanti viendrait à reparaître un jour.

Les notes, désormais revêtues de tous les signes d’une valeur légale, passent maintenant dans un bureau où elles sont examinées : si, après cette vérification, elles sont reconnues irréprochables, ou les range par paquets de cinq cents et on les envoie ensuite à la trésorerie. Cette dernière salle, tout à fait détachée de l’imprimerie, se trouve au rez-de-chaussée et déploie dans toute sa longueur une série de coffres-forts ou de belles armoires en fer. Dans ces armoires, il y a des billets de banque et de l’or. C’est ici qu’il faut se demander quelle est la garantie des bank-notes qui s’envolent par milliers de dessous la presse. Jusqu’à présent, on n’a eu devant les yeux que du papier, et la science économique, malgré d’incontestables services, n’a point encore découvert le secret de donner de la valeur à une feuille blanche par l’impression de quelques signes. que représentent donc ces morceaux de papier acceptés de chacun connue de l’argent ? Pour répondre à une telle question, il nous faut remonter jusqu’à 1844, époque mémorable dans les annales financières de la Grande-Bretagne. Cette année-là, un grand homme d’état et un grand économiste, sir Robert Peel, frappé des abus qui s’attachaient depuis longtemps à l’émission indéfinie des billets de banque, introduisit le fameux bill qui devait limiter la circulation du papier-monnaie. En ce qui regarde la Banque d’Angleterre, ce bill établit qu’elle sera autorisée à émettre pour 14 millions de livres sterling en notes ainsi hypothéquées : 11 millions sur la dette que le gouvernement anglais a contractée envers la Banque à diverses époques, 3 millions sur les billets de l’échiquier (exehequer bills) ou autres solides garanties. Au-delà de cette somme[1], toute note émise pour n’importe quelle valeur doit être représentée dans les coffres de la Banque par un dépôt d’or équivalent. Le même bill restreignait le privilège de lancer du papier-monnaie aux seules ban-

  1. La Banque d’Angleterre peut maintenant écouler sans aucune autre condition 14,500,000 livres sterling de billets. Cette différence de 500,000 tient à des banques de province qui ont failli depuis 1844, et dans ce cas la Banque d’Angleterre s’empare de la circulation.