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France commence à donner, par le développement du mouvement des souscriptions, un spectacle consolant. La généreuse agitation de la bienfaisance s’est enfin propagée dans le pays tout entier. L’importance des sommes déjà recueillies nous donne à espérer que nous ne nous sommes pas trompés dans notre estimation primitive, et que le minimum de dix millions que nous avons réclamé de la souscription sera atteint, sinon dépassé. L’appel à la charité a enfin retenti du haut des chaires, et la cathédrale catholique comme le temple protestant recueillent de religieuses offrandes. Le cœur des femmes s’est ému ; la libérale jeunesse des écoles a senti l’attrait d’une belle œuvre de patriotique fraternité ; les soldats se sont cotisés, et de tous côtés les ouvriers, avec cette noble abnégation que la France peut reconnaître avec orgueil dans les rangs populaires de la nation, aussi bien sur le champ de travail que sur le champ de bataille, prélèvent sur leur nécessaire de quoi soutenir leurs camarades. Pour la première fois depuis longtemps nous assistons en France à une explosion de bons et unanimes sentimens. Quelques départemens se sont surtout signalés par l’importance de leurs dons : parmi ceux-ci, on cite l’Yonne, le Loiret, le Cher, l’Isère, la Gironde, la Charente-Inférieure, l’Indre-et-Loire, le Var et les Alpes—Maritimes. L’Algérie elle-même a entendu le cri de détresse de la Seine-Inférieure. Un fait qui mérite d’être mentionné, c’est le concours que les juifs algériens apportent à la souscription. Ces anciennes victimes des avanies turques viennent, par un pareil acte, prendre dignement leur place dans la famille française et affirmer la concitoyenneté qui désormais les unit à nous.

Quelque encourageantes que soient désormais les perspectives de la souscription, nous ne devons pas oublier combien les lenteurs qui en ont retardé l’élan sont regrettables. Ne perdons pas de vue que ce qui s’accomplit depuis trois semaines eût dû se faire depuis trois mois. Il y a là une observation de politique pratique qu’il ne faut point négliger de recueillir, et à laquelle le dernier discours de l’empereur donne une grande valeur. L’empereur nous a engagés à développer en nous la spontanéité énergique que déploient les Anglais. On peut voir par cet exemple à quel point l’absence des ressorts de la liberté a contrarié, au détriment des malheureuses victimes du chômage, les efforts de l’énergie spontanée des citoyens. Il a fallu d’abord que des hommes de bonne volonté formassent le comité de Rouen. Leur œuvre, au début, ne rencontrait que des incrédules et des détracteurs. — Vous tentez l’impossible, leur disait-on ; laissez faire l’administration, bien plus capable que vous de subvenir aux besoins. — Nous n’étonnerons personne si nous disons qu’au commencement l’administration, avec les habitudes qu’elle a en France, n’était pas précisément encourageante pour une action qui ne pouvait être féconde qu’en agitant bruyamment une question cruelle de paupérisme. Le comité étant une fois constitué, il s’agissait pour lui de se mettre en communication avec le