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CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.




31 janvier 1863.

Le discours prononcé par l’empereur lors de la distribution des récompenses décernées aux exposans de Londres a eu un succès mérité. Le ton d’abord était fait pour nous plaire. Il y a dans cette concise harangue un sourire de gaîté, un grain d’ironie, une pointe de bonne humeur, quelque chose comme ce que les Anglais appellent l’humour, comme ce que nos pères appelaient bien mieux et en bon français le badinage. Un des penseurs politiques les plus profonds que la France ait produits, Montesquieu en personne, s’est chargé de définir le badinage. C’est un de ses Persans qui parle. « Il faut, dit-il, pour plaire aux femmes, un certain talent… Il consiste dans une espèce de badinage dans l’esprit, qui les amuse en ce qu’il semble leur promettre à chaque instant ce qu’on ne peut tenir que dans de trop longs intervalles. Ce badinage… semble être parvenu à former le caractère général de la nation. On badine au conseil, on badine à la tête d’une armée, on badine avec un ambassadeur. » Nous sommes enchantés, nous surtout hommes de presse à qui le pouvoir se présente trop souvent avec la tête de Méduse des avertissemens, que l’empereur ait bien voulu cette fois employer, en parlant au public, une des formes les plus heureuses de l’esprit national.

Le premier badinage de l’empereur s’est adressé à l’Angleterre. Il faut avoir lu les brochures, les discours prononcés dans les meetings et au parlement, les articles de journaux et de revues, où s’est exprimée depuis cinq ans la crainte d’une invasion française en Angleterre, pour apprécier le bon goût de l’innocente malice que l’empereur s’est permise envers nos bruyans voisins. — Comptez ce qu’il vous en a coûté, messieurs les Anglais, pour avoir si mal compris ce que vous appelez notre légèreté ! Vous vous êtes émus, il y a cinq ans, des adresses de nos colonels, qui semblaient en effet, avec des airs terribles, prêts à graisser leurs bottes. Vous vous êtes formés en volontaires. Vous avez quitté vos comptoirs pour le champ de