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les fils sous-marins avec cette rapidité merveilleuse qui, sur les lignes terrestres, annule les distances. En 1853, le professeur Faraday démontrait que les signaux éprouvaient un retard très appréciable déjà sur les circuits des petits câbles de la Manche, et il attribuait ce retard à la condensation de l’électricité le long du conducteur. Selon ce savant, le câble formerait une véritable bouteille de Leyde sur les faces de laquelle le fluide s’amasse avant de se propager dans le fil conducteur. Cette explication a été contestée par quelques physiciens, qui ont voulu attribuer le phénomène à la pénétration de l’électricité dans la gutta-percha. Quelle qu’en soit la cause, le retard est incontestable, et il s’accroît dans la même proportion que le carré de la longueur, c’est-à-dire que pour deux câbles de même diamètre et de même nature, mais dont l’un est en longueur double de l’autre, la vitesse de transmission sera dans le premier quatre fois moindre que dans le second. Les lois du retard sont aujourd’hui très nettement connues, et l’électricien peut prédire assez exactement la vitesse de transmission dont tel modèle sera susceptible. L’effet dépend du plus ou moins de grosseur du fil conducteur, du plus ou moins d’épaisseur de la gaîne isolante, et les améliorations qu’on peut introduire sous ce rapport sont limitées par un accroissement correspondant dans le diamètre. L’amateur de chiffres curieux sera sans doute étonné d’apprendre que dans un câble tel que celui d’Algérie, l’un des meilleurs modèles fabriqués jusqu’à ce jour, il faudrait près de trois heures pour qu’un mot fît le tour du monde. L’électricité de notre temps n’a donc pas encore la célérité du lutin Puck, qui, sur un signe de son maître Oberon, faisait le tour du globe en quarante minutes. Si nous pouvons dire de ce fluide ce que le poète a dit de la Renommée : mobilitate viget,… nous ne pouvons malheureusement ajouter : ... viresque acquirit eundo.

Dans l’état actuel de la science, l’électricien ne peut garantir une vitesse de transmission supérieure à douze mots par minute pour une distance de 1,000 kilomètres, et à trois mots pour 8,000 kilomètres. Il y a là un obstacle plus sérieux que la profondeur de l’Océan, obstacle qui limitera pendant longtemps encore la longueur des grands câbles, et qui ne peut être surmonté, comme les chances de l’immersion, par l’heureux hasard d’une belle traversée.

L’âme d’un câble sous-marin, que la gaîne soit en gutta-percha ou en caoutchouc pur ou mélangé de substances étrangères, est un corps fragile, délicat, incapable de résister au frottement, à l’extension et à l’écrasement. Il faut la protéger au moyen d’une enveloppe plus durable contre de nombreuses causes de destruction que nous allons rappeler brièvement. Un câble est déjà exposé, pendant