Page:Revue des Deux Mondes - 1863 - tome 43.djvu/711

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

sans atteindre le fond, ce qui était une preuve peu contestable de l’imperfection des procédés en usage. Une profondeur supérieure à 10,000 mètres eût été en contradiction avec le résultat annoncé par Laplace, qui, d’après les plus hautes considérations mathématiques, avait cru pouvoir affirmer que la profondeur de la mer sur notre planète était comparable à la hauteur des montagnes. Il peut sembler étrange qu’un savant se hasarde à prédire la profondeur de l’Océan sans avoir fait aucune observation directe; cette fois cependant les prévisions de la science ont été vérifiées.

M. Airy, astronome anglais, avait cru que l’on pourrait déterminer la hauteur de l’eau d’après la largeur, la hauteur et la vitesse des vagues. On sait que sur le bord des étangs, où l’eau a peu d’épaisseur, les rides ou vagues sont petites et ne se meuvent que lentement. Plus loin du bord, les vagues croissent en dimension et en vitesse. De même, sur l’Océan, plus la profondeur sera grande et plus les vagues seront larges, hautes et rapides. M. Airy avait calculé une table qui donnait les valeurs relatives de ces diverses quantités, et peu après le commandant Maury, directeur de l’observatoire national de Washington, eut occasion d’en faire l’application. Le 23 décembre 185/i, à neuf heures quarante-cinq minutes du matin, la frégate russe Diana, qui était à l’ancre dans la baie de Simoda, près de Yédo, au Japon, ressentit les premières atteintes d’un tremblement de terre. Quelques minutes après, à dix heures, une vague immense pénétra dans la baie, le niveau de l’eau s’éleva subitement, et la ville parut engloutie. Une seconde vague suivit la première, et quand toutes deux se furent retirées, il ne restait plus une maison debout. La frégate elle-même, qui avait talonné plusieurs fois, finit par s’échouer sur le rivage. Or le même jour, quelques heures plus tard, sur la côte de Californie, à plus de 8,000 kilomètres du Japon, les échelles de marée conservèrent les marques de plusieurs vagues d’une hauteur excessive. Il est à croire que c’étaient les mêmes vagues qui avaient causé l’échouage de la Diana à l’autre extrémité de l’Océan-Pacifique. Lorsque ces deux observations simultanées furent connues, le commandant Maury conclut, par la comparaison des heures, que chaque vague devait avoir une largeur de 412 kilomètres, une vitesse de 700 kilomètres à l’heure, et que la profondeur moyenne du Pacifique entre le Japon et la Californie devait être de 3,930 mètres.

Cette méthode ingénieuse n’était applicable que dans quelques cas très rares, et ne pouvait donner ce qu’exigent les travaux de télégraphie sous-marine, c’est-à-dire un profil de la mer avec toutes ses variations. Il fallut donc revenir à la méthode des sondages. En employant un boulet suspendu par un fil de chanvre ou